Les aires protégées d’Afrique de l’ouest, autrefois réserves d’exploitation cynégétique, transformées en réservoirs de biodiversité par les politiques contemporaines, souffrent d’un déficit de légitimité auprès de leurs riverains. Ces derniers y voient le plus souvent de vastes domaines encore vierges d’exploitation agricole, perspective paradoxalement encouragée dans le cas ivoirien par les politiques de développement nationales misant prioritairement sur l’expansion des monocultures (cacao, hévéa…). En raison de la mise à l’agenda global des pandémies d’origine zoonotique, il faut s’attendre au renforcement de ces dispositifs institutionnels.

Affiche Colloque International APACI 2023
© IRD/JEAI APACI
Ce colloque a restitué les recherches menées par la Jeune équipe associée à l’IRD (JEAI) « Aires protégées et dynamiques anthropozoonotiques en Côte d’Ivoire » (APACI) de 2019 à 2022 et les a mis en perspective avec les travaux de chercheurs externes à l’équipe.

Le Représentant de l'IRD et le co-responsable de la JEAI APACI
© IRD/Edoukou EHUI
La JEAI APACI a documenté autour de parcs nationaux ivoiriens les pratiques et politiques patrimoniales de la nature et leurs conséquences tant sociales qu’environnementales, dans un contexte transformé par les crises politiques et militaires qui se sont succédées de 2002 à 2011.
Ces dynamiques sont susceptibles de mettre en contact de façon inédite hôtes et vecteurs d’agents infectieux. Elles constituent donc une clé pour la connaissance de l’émergence potentielle de zoonoses.
Le colloque a interrogé la pertinence sociale et sanitaire de ce modèle de patrimonialisation de la nature. Il s’est déroulé en trois sessions.
La première session, intitulée « Exposition aux zoonoses autour des parcs nationaux », a fait l’état des lieux de recherches en cours sur la présence d’agents pathogènes chez les primates et les chauves-souris de deux parcs nationaux en Côte d’Ivoire. Nous confronterons ici les données de l’écologie et de la virologie sur les chauves-souris d’une réserve aux pratiques de chasse et de consommation de ces animaux qui sont aussi, localement, un gibier.
La seconde session, « Parcs nationaux exposés au changement environnemental », a regroupé des géographes, un économiste du développement et un ingénieur forestier.
Elle s’est ’intéressé non seulement aux dynamiques des états du couvert végétal au sein de parcs nationaux mais aussi aux motivations des agriculteurs à transformer ces aires protégées en espaces cultivés.
Ce sont précisément ces dynamiques socio-environnementales qui sont susceptibles de rapprocher hôtes et vecteurs d’agents pathogènes de façon imprévisible.
La troisième session du colloque, « Conflits et gouvernance des aires protégées », a convoqué majoritairement des anthropologues mais aussi deux géographes et un biologiste. Elle a visé une compréhension fine des systèmes de décision et de pouvoir qui régulent les rapports aux aires protégées, au foncier, et des réactions différentielles des acteurs locaux et institutionnels face aux stratégies étatiques d’administration de la nature.
Les logiques d'action, les conflits de normes et de valeurs, les processus d'interaction et de « négociation » ont été identifiés et leurs effets en termes d’exposition aux animaux mieux compris.
Comment des institutions telles que les aires protégées, qui patrimonialisent la nature et les animaux en les séparant des humains, pourraient-elles contribuer aux objectifs OneHealth visant au contraire une intégration de la santé humaine, de la santé animale et de l’état de l’environnement ?
Durant ces deux jours, plusieurs communications ont été prononcées :
- « Détection des béta coronavirus chez les chauves-souris de l’espace Taï »
- « Diversité des espèces de chauves-souris en périphérie de la Réserve Naturelle Intégrale du Mont Nimba et implications zoonotiques »
- « Relations des populations rurales aux chauves-souris et risque zoonotique dans la périphérie de la Réserve Naturelle Intégrale du Mont Nimba ».
- « Parasites communs aux singes et aux humains du Parc National de Taï »
- « Transformations du couvert végétal dans l’Ouest ivoirien : comparaison entre la Réserve Naturelle Intégrale du Mont Nimba, le Parc National du Mont Sangbé et la forêt classée du Haut-Sassandra (2000-2020) »
- « Peut-on réduire les pressions anthropiques sur une aire protégée ? Quelques enseignements d’un projet en périphérie de la Réserve Naturelle de Mabi-Yaya »
- « Dynamiques des états de surface dans le Parc National de la Comoé (nord-est de la Côte d’Ivoire) de 1988 à 2018 ».
- « Entre autochtonie et allochtonie, une patrimonialisation locale conflictuelle des aires protégées ivoiriennes au XXIe siècle »
- « La gouvernance du parc national de la Comoé aux prises avec les logiques agricoles et pastorales : enjeux écologiques et culturels »
- « Gestion participative du Parc National de Taï et développement local. Conflits de logiques institutionnelles et sociales ».
- « Penser les conflits pour une gouvernance durable du Parc National de la Marahoué »
- « Aménagement des aires protégées et risques sanitaires : cas du corridor écologique forestier dans l’espace Tai en Côte d’Ivoire »
Pour en savoir plus, consultez les résumés des communications.