Postdoctorante à l’UMR Paloc, Ariadna Burgos a obtenu une bourse individuelle MSCA-IF-GF avec la note de 95.2/100. Son projet Marine Invertebrate Small-Scale Fisheries in Timor-Leste : Monitoring, Management and Sustainability « SHELLFISH » est fondé sur un partenariat entre l’IRD et le WorldFish.

Avec pour objectif de mettre en évidence les multiples processus sociaux et écologiques qui déterminent et façonnent la pêche des invertébrés marins au Timor Leste, SHELLFISH aspire en parallèle à développer des outils et des stratégies transdisciplinaires et inclusives pour la traçabilité et la soutenabilité de ces espèces.

Sous la supervision de Dominique Guillaud (Paloc) et David Mills (WorldFish), le projet comporte une mobilité de 24 mois au WorldFish à Dili (Timor Leste) et une phase de retour de douze mois à l’UMR Paloc en France.

De la biologie à l’ethnobiologie, un parcours forgé sur les littoraux du Sud

© Ariadna Burgos

Ariadna a grandi en Colombie, un pays à la fois très riche en biodiversité et très marqué par les conflits sociaux et les inégalités. C’est à travers sa passion pour le surf qu’elle est rentrée en contact avec la mer et qu’elle a pu s’apercevoir de la complexité de l’écosystème côtière et des enjeux liés aux usages et la conservation. Ces préoccupations l’amèneraient plus tard à s'intéresser aux sciences de la vie et à l’écologie.

Après des longues missions de terrain chez des communautés autochtones et côtières de différents pays du Sud, Ariadna s’est très vite intéressée aux savoirs locaux et à la façon dont ces populations interagissent avec la biodiversité de leur entourage. Elle complémente sa formation initiale de biologie avec deux masters en Évolution, patrimoine naturel et sociétés et un doctorat en ethnoécologie, et se spécialise enfin dans l’évolution des pêcheries artisanales (notamment celles de mollusques et autres invertébrés marins) et l’évolution des dynamiques socio-écologiques du littoral.

Elle développe une approche ethnomalacologique pour étudier les interactions entre les humains et les mollusques qui intègre des approches qualitatives et quantitatives de différentes disciplines telles que l’anthropologie, l’écologie, la géographie et l’archéologie.

Ses travaux de recherche l’ont ainsi amenée à travailler avec des populations d’Indonésie, du Timor Leste, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Vietnam et du Sénégal où elle analyse comment les facteurs culturels et socio-économiques influencent les façons dont les humains perçoivent et gèrent les changements des environnements côtiers tels que les mangroves et les récifs coralliens.

Les mollusques, témoins des littoraux et précieux objets culturels

© Ariadna Burgos

D'un point de vue biologique, les mollusques tels que les palourdes, les coques, les bigorneaux, les conques et les escargots sont considérés comme des excellents bio indicateurs : la chair, la coquille et, à plus grande échelle, la dynamique de leur population représente une source importante d'information sur la qualité et les transformations du littoral. De plus, leur nature omniprésente et leur large répartition géographique les rendent particulièrement bien adaptés à des études écologiques comparatives à grand échelle.

En outre, dans de nombreuses régions côtières du monde, les mollusques représentent une ressource polyvalente qui recèle de nombreuses valeurs culturelles et symboliques. Aussi bien la chair comme la coquille de ces espèces représente une ressource naturelle importante : d’une part, la chair joue un rôle clé dans l’alimentation, tandis que le manteau calcaire qui recouvre le corps des mollusques, la coquille, est souvent utilisée comme ornement, monnaie, instrument et à des fins religieuses ou magiques.

Traditionnellement, la pêche ou cueillette des mollusques est faite quasi exclusivement par des femmes, qui, afin de pêcher efficacement, doivent avoir une connaissance approfondie de leur habitat, de leurs modes de vie, et de leur répartition, ainsi qu'une connaissance des caractéristiques de l'écosystème marin et des dynamiques socio-écologiques du littoral.

© Ariadna Burgos et Laurence Billault

Puisque la cueillette de coquillages passe souvent sous les radars lors de l’évaluation de la production halieutique dans les pays du Sud, ce travail féminin est caché dans les statistiques globales et locales sur la pêche en générale et la pêche artisanale en particulière, rendant invisible sa richesse.

Combiner les savoirs locaux et les données scientifiques pour une gestion durable du littoral

© Ariadna Burgos et Laurence Billault

Dans un monde où les écosystèmes et les sociétés sont confrontés à des défis majeurs, le lien entre les connaissances locales et scientifiques est devenu central dans les débats internationaux. Les mollusques offrent une perspective originale permettant de combiner les savoirs locaux et scientifiques et d’améliorer, par des approches participatives, la surveillance, l’évaluation et la gestion des changements côtiers.

En trois volets et sur une durée de 3 ans, SHELLFISH est un projet qui prend ces éléments en considération et a pour objectifs

  • d’illustrer la diversité des interactions entre les humains et les invertébrés marins, ainsi que les différentes pratiques et des savoirs locaux impliqués dans la cueillette, leur transformation et leur utilisation ;
  • d’identifier les facteurs de changement socioculturels et écologiques qui affectent la manière dont les populations locales interagissent avec les mollusques et le milieu marin; et
  • de proposer des solutions pour intégrer ces savoirs et pratiques autour des mollusques aux politiques de gestion du littoral.

 

Une décennie dédiée aux sciences océaniques au service du développement durable

L’Organisation des Nations unies a proclamé les années 2021 à 2030 décennie des sciences océaniques au service du développement durable, tandis que 2022 a été instituée par la FAO comme l’Année internationale de la pêche artisanale et de l’aquaculture.

À cette occasion, Ariadna prépare un chapitre du rapport Illuminating Hidden Harvests: Small-Scale Fisheries, intitulé « Indigenous small-scale fisheries: rights, resources, and sustainable policy », qui sera publié par la FAO en 2021.  

Engagée pour donner de la visibilité aux enjeux de la pêche artisanale et à la richesse des savoirs locaux sur ces pratiques, Ariadna est également contributrice du chapitre sur les savoirs locaux et la biodiversité, à paraître dans le prochain rapport de l’IPBES 2021, et dont l’autrice principale est Esther Katz (UMR Paloc).

Le projet d’Ariadna lance des passerelles avec d’autres projets internationaux tels que Illuminating hidden Harvest (porté par la FAO et WorldFish), qui s’inscrit également dans une perspective de mieux comprendre la contribution de la pêche artisanale au développement durable.