Écologue bolivienne, Rafaela Molina Vargas s'intéresse aux forêts avec une approche globale, pour comprendre et aborder les problèmes de la crise socio-écologique. Elle prépare actuellement une thèse sur la déforestation en amazonie bolivienne. À l'occasion du Sommet des trois bassins forestiers, qui se tient du 26 au 28 octobre à Brazzaville en République du Congo, elle revient sur ses recherches et sur les perspectives d'un tel sommet.

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Quel est ton sujet d'étude ?

Je modélise la dynamique socio-écologique et climatique de la déforestation en Amazonie bolivienne en tant que système complexe. Cela passe notamment par la compréhension des dynamiques et rétroactions entre la forêt et les précipitations, car la déforestation entraîne une diminution de la transpiration des arbres et donc une diminution des pluies et un stress accru pour la forêt. Par ailleurs, je vais intégrer les facteurs liés à l'action des acteurs socio-économiques. Sachant que l'agro-industrie du soja destinée à l'exportation est l'une des principales causes de la déforestation en Bolivie, le commerce mondial doit également être pris en compte, puisqu'il est un facteur de déforestation du bassin amazonien. J'essaie ainsi d'intégrer des facteurs globaux dans un problème considéré comme local.


Quelle est l’importance du travail avec les peuples autochtones et les décideurs publics dans la gestion de l'Amazonie ?

En Bolivie et plus généralement en Amérique latine, la biodiversité est extrêmement riche et coexiste avec les cultures et les modes de vie des communautés indigènes. La participation des populations autochtones est fondamentale pour la gestion des forêts. Les forêts ne sont pas seulement des écosystèmes, mais aussi des territoires et des moyens de subsistance qui ne peuvent être gérées sans les acteurs les plus directement concernés.

« Les communautés autochtones ont une relation très étroite avec les forêts, tant physique qu’immatérielle, car leurs traditions, leur vision du monde et leur spiritualité reposent sur le lien d'interdépendance entre l'homme et la nature. »

L’altération de la forêt amène donc l’altération de leur mode de vie. De plus, beaucoup de ces communautés n'ont pas accès aux services de base et la pauvreté reste un problème à résoudre.

Des cas concrets en Amazonie péruvienne montrent que l'attribution des titres de propriété aux communautés autochtones réduit la déforestation et la dégradation des forêts. Cela signifie que l'attribution de titres aux communautés est à la fois un moyen de garantir les droits des populations et une stratégie de conservation efficace.

Les décideurs publics ont également une place essentielle car ce sont eux qui discuteront et mettront en œuvre des mesures et des politiques visant à garantir la durabilité et les droits des populations autochtones.

 

L'objectif du sommet des trois bassins est de réunir les dirigeants de ces territoires et de former une coalition internationale. Selon vous, que pourrait apporter une telle alliance ?

Ce sommet international est l'occasion de partager les perspectives de chaque région et de proposer des solutions globales pour répondre aux problèmes socio-écologiques urgents de façon intégrale et en accord avec la réalité.

Il peut également donner plus de visibilité aux problématiques et amplifier le message afin d'encourager les gouvernements et les autres acteurs concernés à prendre des mesures pour conserver les forêts et garantir les droits des populations autochtones. Selon moi, il est très important de respecter les acteurs locaux et les dirigeants élus de ces communautés. Parfois, les voix portées au niveau national et international ne représentent pas les organes de décision au niveau local, ce qui peut poser des problèmes de légitimité sur le territoire.