L’histoire évolutive des génomes du caféier indique des mécanismes d’hybridation et/ou une séparation incomplète des lignées dès leur origine, il y a plus de 20 millions d’années. Une équipe internationale impliquant des chercheurs de l’UMR DIADE a montré que ces mécanismes pourraient être à l’origine de la grande diversité d’espèces de caféiers et de leur adaptation à des conditions environnementales diversifiées. Ces données issues de 140 espèces de caféiers sont aujourd’hui en ligne sur la plateforme Pl@ntnet.

Boisson appréciée par des millions de personnes, le café représente aussi une source de revenu d’importance économique pour autant de petits producteurs des pays du sud. Outre les deux espèces cultivées (Coffea arabica ou Arabica et Coffea canephora ou Robusta), il existe 140 espèces sauvages de caféiers appartenant au genre Coffea. Ce genre végétal présente une diversité phénotypique?Ensemble des caractères observables d'une plante, comme par exemple la taille ou la couleur des fruits et génétique exceptionnelle mais largement méconnue par le public et encore inexplorée par le secteur industriel mondial du café.

 

Vue transversale de la collection de caféiers à la Réunion

© IRD - Romain Guyot

Un genre botanique en danger

Ces espèces sauvages sont des ressources génétiques incontournables pour les scientifiques en quête de la compréhension de la diversité et de l’amélioration des espèces cultivées, tant en matière de qualités gustatives liées à la composition biochimique du grain de café qu’en termes de tolérance aux maladies et d’adaptation aux changements climatiques. Malheureusement, 60 % de ces espèces de caféiers sauvages sont en danger d’extinction du fait notamment des activités humaines. Malgré lexistence de grandes collections vivantes à La Réunion et à Madagascar, constituées par et entretenues par l’IRD et le FOFIFA?Centre National de la Recherche Appliquée au Développement Rural à Madagascar, respectivement, seules 55 % des espèces sauvages y sont représentées. Les autres ne figurent dans aucune collection vivante et 28 % d’entre elles ne vivent pas dans une aire protégée. Une situation préoccupante pour les sélectionneurs… et les consommateurs !

 

Coffea macrocarpa Île Maurice

© IRD - Romain Guyot

Une histoire évolutive complexe révélée par le séquençage massif des génomes

D’où l’intérêt d’y voir un peu plus clair dans l’évolution de leurs génomes mais chez les plantes, c’est un processus complexe. L’histoire évolutive des caféiers est longtemps restée mal définie : la complexité des relations entre les espèces présentes sur deux continents et à Madagascar compliquait la tâche.

Afin d’élucider cette histoire, des chercheurs de l’IRD, de l’Université de Franche-Comté, du jardin botanique de Meise en Belgique et du FOFIFA à Madagascar, avec la collaboration des centres de recherche de Nestlé à Tours et à Lausanne, ont séquencé les génomes de 52 espèces de caféiers sauvages et cultivés afin de réaliser des analyses phylogénomiques.

Celles-ci ont révélé des histoires évolutives discordantes entre l’information génétique nucléaire (c’est-à-dire du noyau) et celui des organites de la cellule (mitochondrie et chloroplaste) suggérant des mécanismes ancestraux d’hybridation entre espèces différentes et des mécanismes dits de « tri incomplet de lignées ». Ces derniers permettent la coexistence - dans des populations d’espèces ancestrales - d’allèles ou de génomes chloroplastiques différents, lesquels ont ensuite été redistribué de manière différente dans les espèces ou les populations qui en résultent et cela, de manière discordante avec la phylogénie globale. « Cela fait près de 25 ans que ce type d'étude est mené à l'IRD et avec cette analyse nous commençons enfin à comprendre l'évolution du genre Coffea et particulièrement l’espèce qui donne le café Robusta », livre Romain Guyot, généticien à l'UMR DIADE.  

A partir des résultats obtenus, les chercheurs ont pu retracer l’histoire évolutive des génomes nucléaires et des génomes chloroplastiques, ces derniers transmis uniquement par l’hérédité maternelle. Il apparait que l’histoire évolutive du génome nucléaire est en désaccord avec celui du génome chloroplastique, indiquant des mécanismes d’hybridation interspécifiques et/ou un tri de lignées incomplet dès l’origine du genre Coffea il y a plus de 20 millions d’années. Ces mécanismes pourraient être à l’origine de la grande diversité observée et de la grande capacité d’adaptation du caféier Robusta (Coffea canephora) à des conditions environnementales variées en Afrique.

Pl@ntNet caféiers La Réunion

© Pl@ntNet

Pl@ntnet :
mise en lumière des connaissances sur la diversité des caféiers sauvages

Les données de séquençage des génomes représentent une source originale et inestimable pour comprendre la diversité moléculaire des espèces de caféiers. Elle s’ajoute à une base de connaissances botaniques, morphologiques et biochimiques acquises notamment par l’IRD depuis plus de 40 ans. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, cette diversité n’était pas accessible de façon globale. Des chercheurs de l’IRD, du CIRAD et du FOFIFA ont réalisé un site web et une base de données sur les espèces sauvages de caféiers, tous deux hébergés par la plateforme numérique Pl@ntNet. Celle-ci fournit ainsi des informations sur 140 espèces de caféiers (identification, morphologie, composés biochimiques) dont 84 sont illustrées par une galerie de photos et 82 renseignées pour des données génétiques ou génomiques. Les ressources génétiques naturelles décrites dans cette base de données, associées au séquençage des génomes, sont en partie conservées par le centre de ressources biologiques localisé à La Réunion et mis en place par l’IRD entre 2004 et 2010. L’ensemble aidera à mieux comprendre et caractériser les espèces de caféiers sauvages, afin de les promouvoir et les protéger plus efficacement ainsi que de les utiliser au sein de programmes d’amélioration visant à répondre aux challenges actuels de la caféiculture que sont l’adaptation aux changements climatiques et la tolérance aux maladies.


Publications : 

1. Charr JC, Garavito A, Guyeux C, Crouzillat D, Descombes P, Fournier C, Ly SN, Raharimalala EN, Rakotomalala JJ, Stoffelen P, Janssens S, Hamon P, Guyot R. Complex evolutionary history of coffees revealed by full plastid genomes and 28,800 nuclear SNP analyses, with particular emphasis on Coffea canephora (Robusta coffee). Mol Phylogenet Evol. 2020 Oct;151:106906. https://doi.org/10.1016/j.ympev.2020.106906 

2. Guyot R., Hamon P., Couturon E., Raharimalala N., Rakotomalala J.J., Sreenath L., Sabatier S., Affouard A., Bonnet P.. WCSdb: A database of Wild Coffea Species. Database. 2020 (En cours d’impression)

 

Aller plus loin :

Contact scientifique : Romain Guyot IRD, UMR DIADE romain.guyot@ird.fr
 

Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr