Au Laos, la tuberculose (TB) et la TB résistante aux médicaments représentent une menace importante pour la santé publique. En raison des mesures restrictives et de la pression exercée sur les systèmes de santé pour le contrôle de la COVID-19, la pandémie a eu un effet négatif sur le nombre de cas de tuberculose (diagnostic, traitement et suivi), entraînant une baisse des notifications et très certainement une augmentation de la mortalité due à Mycobacterium tuberculosis. La tuberculose est également considérée comme une maladie émergente dans la faune sauvage. En Asie du Sud-Est, la maladie menace également les éléphants (Elephas maxima) et les ours Malay (Helarctos malayanus).

 

Les éléphants d'Asie sont victimes de la diminution de leur habitat, du braconnage, des conflits humains et des maladies et figurent sur la liste rouge de l'UICN des espèces en danger. Les éléphants en captivité sont employés à des fins de tourisme-festival, bien que des centaines d'entre eux travaillent encore dans l'exploitation forestière illégale. Au Laos, posséder un éléphant est encore une pratique conventionnelle. La proximité constante entre l'éléphant et son cornac (personne qui possède ou travaille avec un éléphant) augmente les risques de transmission de maladies dans les deux sens, notamment la tuberculose. Pour le diagnostic chez les éléphants, les vétérinaires doivent prélever des lavages de trompe ou des échantillons de sang sur des animaux entraînés, avec des résultats dont le degré de sensibilité et de spécificité est très variable. Ces techniques ne sont pas applicables aux éléphants non entraînés, c'est pourquoi une méthode de diagnostic basée sur des échantillons collectés de manière non invasive est une approche plus appropriée.

The Mahout and the assistant veterinary caring for the weekly elephant check-up routine at ECC

© Sabrina Locatelli

Le 18 avril, Sabrina Locatelli (CRCN MIVEGEC), chef du projet ELAOS - The Emergence of Tuberculosis at the Human-Elephant Interface (financé par OHSEA - One Health in South East Asia, sponsorisé par le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, le Fonds de solidarité pour les programmes de projets innovants (FSPI), l'IRD, le CNRS) a visité le Centre de conservation des éléphants (ECC) pour informer les cornacs du projet et organiser la collecte d'échantillons d'éléphants et de cornacs. L'objectif principal de ce projet est de déterminer la prévalence de Mycobacterium tuberculosis (Mt) et la résistance aux antibiotiques chez les éléphants d'Asie captifs et leurs cornacs afin de mieux évaluer le risque d'émergence de la tuberculose à l'interface homme-animal au Laos.

Des échantillons fécaux d'éléphants seront collectés dans le district de Tongmixay, qui contient les plus grandes populations restantes d'éléphants en captivité, et au Centre de conservation des éléphants (district de Sayaboury). Ils seront ensuite envoyés à l'Unité de Biologie Médicale (partenaire de LMI DRISA) de l'Institut Pasteur du Cambodge (IPC), Phnom Penh, pour analyse. Dans ce laboratoire, des échantillons fécaux provenant d'ours Malay (Helarctos malayanus) - infectés par Mycobacterium tuberculosis et collectés dans un centre de réhabilitation de la faune sauvage au Cambodge - seront utilisés comme témoins positifs. Les échantillons de crachats et/ou de matières fécales de chaque cornac suspecté d'être infecté par la tuberculose seront collectés et envoyés au Laboratoire national de référence pour la tuberculose à Vientiane (Centre d’Infectiologie Lao Christophe Mérieux-CILM) pour culture, identification moléculaire et tests de résistance aux antibiotiques.

Mahouts and their elephants are in constant proximity

© Sabrina Locatelli

L'étape suivante consistera à prélever des échantillons sur la totalité des 450 éléphants domestiques existant au Laos. En outre, les éléphants domestiques d'Asie du Sud-Est interagissent régulièrement avec les éléphants sauvages qui habitent les forêts voisines. Dans des régions telles que la zone protégée de Namphuy dans la province de Sayaboury, qui abrite la deuxième plus grande population d'éléphants sauvages du Laos, la pratique des cornacs consiste à relâcher les femelles pour qu'elles soient fécondées par des mâles sauvages, ce qui permettrai de maintenir le flux génétique entre les éléphants sauvages et leurs homologues domestiques. En raison de l'interaction étroite des éléphants domestiques avec les humains, le risque de transmission anthropo-zoonotique augmente dans la population domestiquée et pourrait ainsi affecter la santé de la population sauvage.

Ce projet a été rendu possible grâce au renforcement des capacités des partenaires su sud et aux conseils pour le développement d’outils innovants du Service renforcement des capacités du SudDépartement mobilisation de la recherche et de l’innovation pour le développement (DMOB) de l’IRD. 

Contact DMOB : nabil.elkente@ird.fr