Les intrants agricoles pourraient gravement menacer le développement des nourrissons dans les régions semi-arides surexploitées… Les travaux des scientifiques indiens et français du service national d’observation M-TROPICS (pour Multiscale TROPIcal CatchmentS), qui étudient l’impact des activités humaines  sur le cycle de l’eau et des nutriments en contexte agricole dans le bassin de Beramabdi en Inde, révèlent des données alarmantes. Cette zone d’agriculture intensive, basée sur l’irrigation par les eaux souterraines et le recours massif aux engrais azotés, voit sa nappe phréatique très polluée en nitrates. On en retrouve jusqu’à un demi gramme par litre – dix fois plus que la limite de potabilité –, ce qui n’empêche pas les agriculteurs et leurs familles d’en consommer lors du travail au champ !

Des travaux viennent de montrer que cette eau, donnée à des souris gestantes puis allaitantes, avait un impact significatif sur le développement cérébral des souriceaux. Suivis jusqu’à 21 jours après la naissance, ce qui équivaut chez l’humain à l’âge d’un an, les petits rongeurs présentent moins de neurones, moins d'astrocytes?cellules partenaires des neurones  , plus de cellules microgliales ?cellules impliquées dans l’immunité du système nerveux, signe d’inflammation, et plus de cellules cérébrales mortes que chez les souriceaux du groupe témoin qui avait reçu de l’eau non-contaminée provenant d’un site forestier proche (bassin de Mule Hole, également suivi par le SNO M-TROPICS).

Ces résultats appellent à de nouvelles expérimentations pour étudier les retards de développement neurologique associés aux changements observés dans le cerveau. Ils soulignent par ailleurs l'importance de la surveillance de la qualité de l'eau et de son impact sur la santé dans les zones agricoles où l'on consomme l'eau des puits de forage. Les populations d’autres régions du globe, aux caractéristiques climatiques et aux conditions d’exploitation agricoles comparables, comme le Maghreb ou l’Afrique du Sud, pourraient être également exposées à ce danger potentiel.
 

SNO M-TROPICS

Le service national d’observation M-TROPICS, géré par les laboratoires Géosciences Environnement Toulouse et iEES Paris, fait l’objet d’une collaboration entre des chercheurs de l’IRD, du CNRS, de l’Université Paul Sabatier, et des institutions partenaires au Sud. Il s’agit de l’Indian Institute of Sciences à Bangalore en Inde, de l’IRGM-CRH, des Universités de Yaoundé I et de Dschang, au Cameroun et, en Asie du Sud-Est, du Ministère de l’Agriculture et des Forêts du Laos, du Department of National Park, Wildlife and Plant Conservation en Thaïlande et du Soils and Fertilizers Research Institute au Vietnam.

  • CONTACT

Jean Riotte, GET (IRD/CNRS/CNES/Université Paul-Sabatier Toulouse 3)

  • PUBLICATION

Des eaux souterraines agricoles à forte teneur en nitrates et en sels dissous, administrées à des souris allaitantes, altèrent le développement cérébral de leur progéniture.

Leslie Schwendimann, Iswariya Sivaprakasam, Sriramulu Buvaneshwari, Gundiga P.Gurumurthy, Saumya Mishra, dLaurent Ruiz, Muddu Sekhar, Bobbi Fleiss,Jean Riotte, Shyamala Mani, Pierre Gressens, Agricultural groundwater with high nitrates and dissolved salts given to pregnant mice alters brain development in the offspring, Ecotoxicology and Environmental Safety, 19 août 2021
https://doi.org/10.1016/j.ecoenv.2021.112635

  • JOURNALISTE

Olivier Blot