La troisième édition de l'école de terrain ECOTROP-Forêt coordonnée par l’Agence National des Parcs du Gabon et l’Université de Masoukou à Franceville, et cofinancée par l’IRD, s'est déroulée du 25 juin au 8 juillet 2023 dans le département de Mulundu au Gabon (Lastoursville et ses environs). ECOTROP est un programme de formation unique autour de l’écologie tropicale destiné aux étudiants et aux professionnels africains et occidentaux, qui se tient en Afrique centrale (Cameroun et Gabon) depuis 2011. Son objectif principal est de fournir aux apprenants des connaissances et des compétences dans divers domaines tels que l'étude, la gestion et la conservation de la biodiversité, la géologie, la géographie, l'archéologie et les sciences humaines et sociales.
Pourquoi une école de terrain en écologie tropicale ?
Ce programme est basé sur des thématiques de recherche développées par des chercheurs issus d'institutions universitaires, de centres de recherche et d'agences gouvernementales d'Afrique, d'Europe et d'Amérique du Nord. Chaque équipe d'apprenants conçoit son propre projet de recherche, collecte des données sur le terrain, analyse ces données et présente les résultats obtenus lors d'une séance de restitution à la fin de l'école de terrain.
L'objectif de cette école de terrain est de former les futurs acteurs de la recherche et de sensibiliser les populations et les autorités locales à la gestion et à la conservation des écosystèmes et des environnements dans lesquels elles vivent. Des solutions concrètes sont proposées pour répondre aux problématiques réelles rencontrées par les populations locales, en adoptant une approche multidisciplinaire et intégrative (Fig. 01).
Pour l'édition 2023, ECOTROP-Forêt a été organisée en collaboration avec plusieurs institutions, notamment l'Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN), la Fondation Fyssen, l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN), le Programme de Gestion Durable de la Chasse (SWM-CIRAD), l’Université Omar Bongo (UOB), l’Université de la Nouvelle Orléans (UNO), l’Université de Lausanne (UNIL), et l'Université des Sciences et Techniques de Masuku (USTM).
Les ateliers proposés aux apprenants lors de l'édition d'ECOTROP-Forêt 2023 portaient sur cinq grandes thématiques : la pédologie de la région de Doumé, l'ethnobotanique des plantes alimentaires locales, la gestion durable de la faune dans le regroupement de Doumé, la cartographie participative de l'emplacement des anciens villages en forêt, et l'archéologie dans les grottes de Lastourville et ses environs. Ces thématiques ont permis d'étudier des problématiques locales liées à la culture, à l'histoire, à l'agriculture, à la chasse et à la conservation des écosystèmes.
L'approche multidisciplinaire adoptée permet de mieux comprendre et d'expliquer la relation entre l'environnement physique, l'environnement biologique, les traditions et les cultures locales, ainsi que les biens et services que les populations locales en tirent sur la longue durée.
Pendant cette édition, les participants, composés de 24 apprenants et 11 encadrants, se sont retrouvés à Lastourville pour deux jours de prologue, au village de Doumé pour sept jours de collecte de données, puis de nouveau à Lastourville pendant deux jours pour l'analyse et la préparation des présentations orales. L'atelier thématique dédié à l'archéologie est resté à Lastourville pendant toute la durée de l'école de terrain, avec des visites quotidiennes pour effectuer des fouilles dans la grotte de Youmbidi (Fig.02).
À la suite du travail sur le terrain et des analyses préliminaires des données, une journée de restitution s'est tenue dans les locaux de la mairie de Lastourville le vendredi 7 juillet 2023.
Grottes et site préhistoriques anciens en Afrique centrale…
Parmi les cavités rocheuses de la région de Lastourville inscrites sur la liste complémentaire du patrimoine de l’Unesco ( https://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/6587/ ), l’abri sous roche de Youmbidi (Figure 1) conserve un important dépôt archéologique. Cette cavité de grande taille (porche d’environ 50 m de longueur pour une cavité de 35 m de profondeur) est située à l’aplomb d’une falaise proche de Lastourville.
Elle a fait l’objet de recherches préliminaires lors de son inventaire par Richard Oslisly en 2015. En 2019, une nouvelle mission a été organisée pour analyser plus en détail le dépôt sédimentaire avec une équipe interdisciplinaire associant l’ANPN, l’IRD et l’École Normale Supérieure de Lyon. La reprise de la fouille archéologique a été entreprise dans le cadre de l’école de terrain ECOTROP 2022 et en 2023, avec le soutien du LMI DYCOFAC (https://www.lmi-dycofac.org/ ).
Depuis 2019, plus de 25 datations avec des méthodes diverses (AMS et U/Th) ont été réalisées sur une stratigraphie de plus d’un mètre soixante-dix d’épaisseur. Elles confirment la grande ancienneté du dépôt, constitué d’occupations humaines successives riches en matériel archéologique, qui débute probablement il y a plus de 24000 ans et perdure jusqu’à 1500 ans environ. Ces archives archéologiques sont absolument uniques et permette de reconstituer la vies des chasseurs-cueilleurs préhistoriques d’Afrique centrale.
En outre cette fouille permet de réunir une collection de matériel lithique destinée à la doctorante gabonaise Marie Josée Angue Zogo (cofinancement ANBG-IRD) (Fig. 03).
Les premiers résultats
En 2023 la surface en cours de fouille est de 10m2, tandis qu’un puisard débuté en 2019 a atteint le fond rocheux à plus de 2m de profondeur.
Cette années la fouille a permis d’étudier plus précisément des niveaux d’occupation probablement compris entre 2000 et 6000 ans avant le présent. De nombreux foyers, des couches cendreuses et des outils en pierre taillée (Figure 04) témoignent d’une occupation intense de la grotte.
Des pointes de piquets en bois (Figure 05) ont été découvertes de manière exceptionnelle, apparemment associées à des aires de brulage intense, suggérant de possibles structure de fumage de la viande obtenue lors de chasses en forêt.
Nous avons également découvert des restes de faunes chassés : fragment de mâchoire et dents de buffle (Figure 06), des ossements divers (Fig. 07), quelques dents de primates.
Si l’atelier de fouille de Youmbidi a permis de réunir cette année plus de 14 apprenants (Fig.08), il reste à pérenniser et à développer les fouilles archéologiques par l’obtention de fonds supplémentaires.
Cela permettra de développer l’accueil des apprenants plus nombreux et de renforcer l’action structurante d’ECOTROP en Afrique centrale.
Contacts :
Pr. Stephan NTIE
Conseiller Scientifique
Agence Nationale des Parcs Nationaux du Gabon (ANPN)
stephanntie@yahoo.fr
Geoffroy de SAULIEU
Archéologue - Directeur de recherche IRD
UMR 208 IRD-MNHN
geoffroy.desaulieu@ird.fr