À l’occasion de la Monaco ocean week 2023, les Explorations de Monaco ont dévoilé le 21 mars, les premiers résultats et perspectives de la mission « océan Indien », au musée océanographique de la principauté. L'IRD était au cœur de cette exploration qui vise à mieux connaître l’espace maritime entre l'île Maurice, la Réunion et les Seychelles, afin de le protéger durablement.

Effectuée du 3 octobre au 30 novembre 2022, la mission scientifique océan Indien s’est concentrée sur deux espaces maritimes bien définis : le banc Saya de Malha, le plus grand banc immergé au monde, ainsi qu’une sélection d’îles et de monts sous-marins situés sur le trajet de la mission.
Ce programme des Explorations de Monaco s’inscrit dans un contexte important car la gouvernance du territoire est partagée par l'île Maurice et les Seychelles, suite à l’extension en 2011 de leur plateau continental.

Une mission aux multiples facettes

Aldabra, banc de Saya de Malha (mission Océan indien)

© Amazing Planet | Explorations de Monaco - Filip Kulisev

Cette zone du sud-ouest de l’océan Indien était jusque-là peu connue. Menée sur 13 500 km, l’exploration maritime internationale a permis aux chercheurs de combler ces manques à travers des études du milieu physique et chimique, du milieu vivant, des échanges océan-atmosphère et des impacts de l’Homme.

L’expédition océan Indien s’est divisée en huit projets de recherche : 

  • l'étude pluridisciplinaire de Saya de Malha, la prospection de la biodiversité benthique et de l’écosystème pélagique (projet phare),
  • l'étude des microplastiques et des pathogènes coralliens,
  • l'étude de la structure génétique et des niveaux de contamination et de stress des tortues marines,
  • l'étude de l’impact combiné des activités humaines sur les côtes et du changement climatique sur les écosystèmes marins,
  • le programme de surveillance BGC-ARGO (mesures des variables physiques, chimiques et biologiques essentielles à la compréhension de l’évolution de la santé de l’océan),
  • l'opération de prélèvement de colonies de coraux vivantes à Aldabra,
  • l’étude de la connectivité des espèces coralliennes et de la biodiversité associée en invertébrés,
  • le déploiement de bouées dérivantes de surface (pour la compréhension des courants de surface, de la répartition, la composition et du mélange des masses d’eau).

Retour de Saya de malha, l’île invisible

Vue sous-marine du récif d'Aldabra (mission Océan indien)

© Océanopolis | Explorations de Monaco - Katia Quemere

Premier constat rassurant, l’exploration de Saya de Malha, coordonnée par Francis Marsac, directeur de recherche à l’IRD et représentant de l’IRD aux Seychelles, a permis de voir qu’il n’y a pas de dégradation forte des fonds du banc marin. Au contraire, les herbiers, qui recouvrent de grandes surfaces, sont en très bonne santé. Par ailleurs, la biodiversité observée au cœur de ce territoire grand comme la Suisse est très riche en petits organismes et les chercheurs ont pu récolter une grande collection d’espèces à étudier : 300 à 400 mollusques, 250 crustacés, 100 algues. Pour l’heure, ils sont déjà certains que trois espèces sont nouvelles pour la science : un gastéropode, une crevette et un crabe. Compte tenu de la grandeur de la collection, il y a des chances que d’autres belles découvertes suivent.
Aussi, les scientifiques estiment qu’environ 20% des espèces de mollusques sont endémiques, confirmant le caractère unique de ce point du globe. Cependant, très peu d’espèces de poissons de grandes tailles ont pu être observée.

Trois nouvelles espèces découvertes : à gauche, une crevette Stenopidae ; au centre, un gastéropode Lamellarinae ; à droite, uncrabe Ethusidae

© MNHN - Laure Corbari

© IRD - Francis Marsac

Les scientifiques ont aussi procédé à des analyses du phytoplancton, base essentielle de la chaîne alimentaire. Bien que les quantités observées aient été plus basses qu'espéré, leur variété en taille et leur répartition est plutôt satisfaisante, indicateurs de la bonne santé de la zone.
Une sélection de plantes marines et une soixantaine d’espèces de coraux ont été collectés afin d’analyser le fonctionnement de cet écosystème marin, la capacité des espèces à répondre au stress et donc de mesurer leur résilience face au changement climatique.

La mission a également été l’occasion de cartographier plus précisément la zone en vue de mieux connaître les fonds, leurs caractéristiques et d’identifier les espaces qu'il faudrait protéger des activités humaines, processus actuellement en cours (planification spatiale marine). Les mesures effectuées en bateau sur le banc ont permis de corriger un certain nombre de valeurs de profondeur acquises jusqu’à présent par satellite. 
De nombreux autres points d'étude ont porté sur la géographie des lieux, sa physique, son fonctionnement... 

De belles perspectives scientifiques 

Le programme océan Indien s’est appuyé sur une forte collaboration entre les chercheurs de l'île Maurice et des Seychelles, un partenariat scientifique renforcé qui a vocation à durer entre les deux pays.
Compte tenu de la richesse de la mission, les résultats à chaud ne permettent encore que peu de conclusions et les scientifiques procèdent d'ores et déjà à l’étude poussée des données récoltées, prometteuses pour la science et la coconstruction de perspectives pour l'avenir de cet espace unique.