L’exposition « VIH/sida, l’épidémie n’est pas finie ! », présentée au MUCEM du 15 décembre au 2 mai 2022, retrace l’histoire sociale et politique du sida. Posant un regard à la fois rétrospectif et contemporain sur l’épidémie comme sur les mobilisations qu’elle a engendrées, elle souhaite elle-même contribuer à la lutte. En effet, mettre le sida au musée, ce n’est pas l’enterrer; c’est réaffirmer au contraire toute son actualité, comme le montre le titre de l’exposition qui reprend un slogan historique d’Act Up : « L’épidémie n’est pas finie ! ». Plusieurs chercheuses et chercheurs de l'IRD sont impliqués dans le comité de suivi de l'exposition et la programmation associée.

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En juillet 1981 est publié dans le New York Times le premier article de presse relatif au sida, évoquant des cas de cancer chez des hommes homosexuels. Si en 1983, on écarte l’hypothèse d’une maladie uniquement homosexuelle, on pointe alors du doigt les « 4H » : homosexuels, héroïnomanes, hémophiles, Haïtiens. La victime est aussi l’accusée et sa stigmatisation passe par des propositions de mise en quarantaine, des moyens disproportionnés de protection, et la réprobation de catégories sociales touchées et jugées responsables. Dans le même temps, la désignation de ces « groupes à risques » va invisibiliser d’autres situations d’exposition au virus, dont témoignent l’activisme des femmes et les initiatives en faveur de la prise en compte des enfants et adolescents. L’épidémie est un choc pour la société, comme la maladie ou la séropositivité sont des chocs pour les personnes touchées. L’exposition revient sur l’impact de cet événement dans les trajectoires individuelles autant que collectives.

Que ce soit à une échelle locale ou mondiale, la lutte contre le sida a concerné de nombreux aspects de l’épidémie : scientifiques et médicaux, mais aussi politiques et sociaux, pour revendiquer l’action et l’attention des pouvoirs publics et refuser la stigmatisation des malades et des communautés. La mise au point de traitements plus efficaces à partir de 1996 marque une rupture. On voit des personnes « renaître » grâce au renforcement de leur système immunitaire et à l’affaiblissement de la réplication virale dans l’organisme, malgré un traitement contraignant et de nombreux effets secondaires. Mais l’accès aux médicaments est très inégal et l’ouverture des régimes de propriété intellectuelle devient une revendication majeure.

Des années 1980 à nos jours, l’épidémie a suscité maintes hypothèses sur son origine et de nombreux discours sur les moyens de sa fin. L’exposition apporte ainsi un éclairage sur ces différents récits, nous permettant d’aborder avec recul les savoirs du passé et les compréhensions du présent.

L’exposition interroge enfin l’héritage de l’épidémie, ce qu’elle a révélé, les avancées qu’elle a rendues possibles, principalement en termes de droits, mais également les reculs et les stagnations. Elle propose un bilan des luttes, de leurs victoires comme des obstacles toujours présents. En évoquant les « leçons politiques » du sida, elle pose des questions toujours majeures aujourd’hui, qu’il s’agisse des réponses sociales aux épidémies et à la gestion des « crises sanitaires », ou de la manière dont d’autres affections chroniques ont bénéficié ou non de ce bouleversement des rapports de pouvoir entre médecins et patients.

L’exposition « VIH/sida, l’épidémie n’est pas finie ! » offre l’occasion de valoriser l’exceptionnel fonds constitué au début des années 2000 par le Mucem sur le thème du VIH/sida. Des banderoles, tracts, affiches, revues associatives, brochures et matériel de prévention, objets militants, vêtements, badges et rubans rouges, mais également des médicaments, photographies et œuvres d’art ont été collectés auprès de nombreuses associations de lutte contre le VIH/sida, permettant au Mucem de constituer une collection de référence à l’échelle européenne. De nombreux prêts de particuliers viennent dialoguer avec cette collection pour permettre aux visiteurs de découvrir plus en détail l’histoire sociale de la lutte contre l’épidémie.

Commissaires de l'exposition :

- Stéphane Abriol (anthropologue, CNRS-Cerlis, université Paris-Descartes)
- Christophe Broqua (anthropologue, CNRS-IMAF)
- Renaud Chantraine (anthropologue, EHESS)
- Caroline Chenu (chargée des collections, Mucem)
- Vincent Douris (responsable recherches opérationnelles, Sidaction)
- Françoise Loux (anthropologue, directrice de recherches au CNRS)
- Florent Molle (conservateur du patrimoine, Mucem et musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole)
- Sandrine Musso (anthropologue, AMU, CNE-EHESS)

 

Les scientifiques de l'IRD dans le comité de suivi

Ce comité est composé de plusieurs dizaines de personnes concernées à différents titres par l’épidémie (personnes vivant avec le VIH, associatifs, soignants, militants, chercheurs…), parmi lesquels plusieurs scientifiques de l'IRD.

- Fleur Beauvieux (LPED)
- Alice Desclaux (TRANSVIHMI)
- Annabel Desgrées du Loû (CEPED)
- Fabienne Hejoaka (LPED)
- Joseph Larmarange (CEPED)
- Martine Peeters (TRANSVIHMI)
- Francesca Mininel (LPED)
- Bernard Taverne (TRANSVIHMI)


Avec la participation de Lorenzo Jacques (stagiaire).
Scénographie : Amélie Lauret et Émilie Delanne, Græphème
Graphisme : Cécilia Génard et Alma Gromard