Depuis décembre 2020, Bonoukpoè Mawuko Sokame est docteur spécialisé en protection des cultures. Ingénieur agronome de formation, il a choisi d’étudier la pression exercée par des insectes nuisibles sur les cultures tropicales. Originaire de Tohoun, au Togo, il n’a pas hésité à s’installer à Nairobi, au Kenya, pour poursuivre son projet. Deux mois après sa soutenance de thèse, le jeune homme nous raconte son parcours académique et parle de son avenir.

Bonoukpoè Mawuko Sokame, jeune entomologiste togolais spécialiste de la protection des cultures
© DR
Bonoukpoè Mawuko Sokame est un jeune docteur spécialisé en protection des cultures. En décembre dernier, il a soutenu sa thèse de doctorat sur l’impact de la récente invasion de la chenille légionnaire d’automne sur le fonctionnement des communautés de lépidoptères foreurs de tiges – insectes ravageurs du maïs – et de leurs parasitoïdes associés. « Je viens d’une famille paysanne, cultivatrice de coton. Une culture très exposée aux attaques d’insectes, explique Bonoukpoè. Très tôt, je me suis intéressé à l’agriculture. D’autant que mon papa nous parlait souvent, à mes sœurs, mes frères et moi, des problèmes qu’il rencontrait aux champs. Il nous demandait même de l’aider à les résoudre. » Le jeune homme grandit avec une question en tête : comment faire pour que les cultures de coton ne soient plus attaquées par les insectes ? Après son baccalauréat, il s’inscrit à l’Ecole Supérieure d’agronomie (ESA), de l’université de Lomé. Des études pendant lesquelles il se distingue. Il obtient une bourse de l’International Institute of Tropical Agriculture (IITA), à Cotonou, au Bénin, pour y effectuer son stage de fin d’étude. Il participe à un programme de recherche collaborative sur les légumineuses à grains secs. En 2012, il décroche son diplôme d’ingénieur agronome.
Pendant quatre ans, il est assistant de recherche dans le laboratoire d’entomologie de l’ESA. Quatre années pendant lesquelles le jeune homme n’abandonne pas l’idée de faire un doctorat. En 2016, il réalise ses ambitions. Bonoukpoè devient lauréat d’une bourse de doctorat ARPPIS-DAAD. Un programme de renforcement des capacités porté par l’International Centre of Insect Physiology and Ecology (ICIPE) à Nairobi, en partenariat avec le Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD), et auquel l’IRD, partenaire de l’ICIPE, participe en proposant des projets de thèse et en encadrant les étudiants. « J’ai candidaté pour étudier l’écosystème du maïs suite à l’invasion d’un insecte présent depuis peu dans les cultures kenyanes, la chenille légionnaire d’automne. À ce moment-là, je ne savais pas encore qu’il s’agissait d’un sujet porté par l’IRD. » Il quitte alors le Togo pour le Kenya et rencontre Paul-André Calatayud, entomologiste de l’IRD au sein de l’UMR Evolution, génomes, comportement, écologie (EGCE) en affectation au Kenya, qui devient son directeur de thèse.
La collaboration entre les deux hommes s’avère très vite fructueuse. « Mes travaux ont montré que l’arrivée récente d’un nouveau ravageur, Spodoptera frugiperda, n’a pas remplacé les ravageurs existants. Les différentes espèces nuisibles cohabitent désormais dans les champs, remettant en cause les stratégies de lutte mises en place jusque-là pour préserver les rendements d’une culture vitale pour les populations locales. » Des résultats qui intéressent la communauté scientifique puisque Bonoukpoè Sokame a publié sept articles sur le sujet. Cette collaboration entre le doctorant et son superviseur ne s’arrête pas à la sphère professionnelle. « Après trois années passées ensemble, pendant lesquelles le chemin a été fait de hauts et de bas, d’imprévus, je considère aujourd’hui Paul-André comme un père. Il m’a soutenu, m’a réconforté, m’a conseillé quand j’en avais besoin. J’ai une totale confiance en lui. Il continue de m’épauler et m’aide à construire ma carrière », raconte le jeune chercheur.
Depuis janvier 2020, Bonoukpoè est chercheur postdoctoral à l’ICIPE et continue de collaborer à distance avec Paul-André Calatayud, dont la mission au Kenya s’est depuis achevée. Le chercheur togolais développe actuellement un modèle de prédiction de la quantité de pertes de rendement des cultures de maïs en fonction du niveau d’infestation des champs par des insectes. Concernant ses projets à long terme, il est très clair. « Je souhaite embrasser une carrière d’enseignant-chercheur dans les dix ans à venir. Depuis le début de mes études supérieures, j’évolue à côté de scientifiques qui sont devenus des modèles pour moi et qui m’ont donné envie d’être comme eux. » Il cite l’époux de sa sœur, le Professeur Mawussi Gbénonchi, enseignant-chercheur en agropédologie à l’université de Lomé, qui l’a accueilli chez lui dès son entrée à l’université. Il parle également du Professeur Tounou Agbéko Kodjo, enseignant-chercheur à l’université de Lomé, qui l’a encadré pendant son stage de fin d’études agronomiques. Et bien sûr Paul-André Calatayud pour sa thèse de doctorat.