Lauréate du programme PARFAO – Promouvoir l’agroécologie par la recherche et la formation en Afrique de l’Ouest – depuis 2018, Marie-Thérèse Daba Sene est doctorante à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal. Sociologue de formation, elle a choisi d’étudier la place des femmes dans l’agroécologie. L’un de ses séjours de mobilité l’a conduite jusqu’à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). La jeune femme nous raconte ses quelques mois passés au sein de l’unité mixte de recherches internationale Résiliences et parle de son avenir. 

Portrait de Marie-Thérèse Daba Sene, doctorante lauréate du programme PARFAO.

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« Au Sénégal, le mariage est souvent pour les femmes le seul moyen d’accès à des ressources économiques », écrivait il y a peu l’économiste Sylvie Lambert dans une tribune au « Monde »?Lambert, S. (2020, juillet). Au Sénégal, le mariage est souvent pour les femmes le seul moyen d'accès à des ressources économiques. Le Monde.. Une réalité que Marie-Thérèse Daba Sene ne considère pas comme une fatalité. Cette jeune scientifique fait partie de la cohorte de doctorants du programme PARFAO constituée en 2018, un programme de renforcement des capacités d’une durée de 3 ans coordonné par l’IRD, en partenariat avec l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF). En intégrant ce dispositif, la doctorante a pu réaliser une thèse au Sénégal sur un sujet qui lui tient à cœur, la place des femmes dans l’agroécologie. « Je suis originaire d’un petit village, Bicole. J’ai pu observer en direct les transformations sociales qui s’y sont opérées grâce à quelques femmes qui ont fait bouger les choses. Elles ont mis en place différentes initiatives pour améliorer leurs conditions de vie. Quand leurs activités, notamment de maraîchage, ont commencé à générer des revenus, même les hommes étaient convaincus par leur démarche ! »

Soucieuse de donner de la visibilité au travail de ces femmes, Marie-Thérèse s’intéresse aux rapports de genre en lien avec des questions d’environnement et de développement durable. Elle réalise son mémoire de Master sur les portées et les limites de l’économie verte dans la promotion de l’entreprenariat féminin. L’un des membres de son jury de soutenance la convainc de poursuivre ses recherches. « M. Ibou Sané, professeur de sociologie à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, m’a dit que j’étais encore jeune, que je pouvais continuer ma recherche et a proposé de m’encadrer. J’ai alors eu un déclic. Je me suis dit « c’est possible ! » », explique Marie-Thérèse. L’appel à candidatures du programme PARFAO achève de la persuader de l’intérêt de son objet d’étude. « Cette bourse m’a permis de faire des voyages de mobilité et de bénéficier de l’expertise scientifique de plusieurs chercheurs. J’ai ainsi rejoint l’UMI Résiliences, à Bondy. J’ai eu un accueil incroyable de la part de Penda Bary, chargée de projets Afrique de l'Ouest - Afrique centrale, et de Catherine Pasquier, assistante administrative. J’ai bénéficié du suivi scientifique d’Isabelle Droy, de Jean-Luc Dubois, tous deux économistes, et de Pierre Morand, directeur adjoint de l’unité et bio-statisticien. Mais pas seulement. J’ai rencontré des doctorants de différentes nationalités, des ingénieurs qui m’ont apporté une véritable aide. En 9 mois, j’ai réalisé tout le volet théorique de ma thèse, j’ai été formée à la gestion de références bibliographiques et j’ai acquis une véritable méthodologie de travail », explique avec enthousiasme la jeune chercheuse. 

    

Malgré une fin de thèse différée pour cause de Covid-19, Marie-Thérèse raconte avec fierté les premiers résultats obtenus. « L’agroécologie apporte de nouvelles perspectives dans l’analyse des inégalités hommes-femmes. Elle permet aux femmes d’améliorer leur statut au sein de leurs familles et communautés. Comparée aux autres formes du travail féminin informel ou salarié, l’agroécologie permet une reconnaissance sociale des rôles (productif et reproductif) des femmes par les hommes et une division sexuée du travail « moins rigide », négociée au jour le jour par les femmes et les hommes. » La scientifique poursuit. « L’agroécologie permet également de répondre au besoin d’autonomisation économique des femmes, leur permettant d’assurer de nouvelles responsabilités économiques au sein du ménage, de renégocier leurs rôles dans l’espace familial et social et de conquérir des espaces de liberté individuelle et sociale. Même si cette autonomisation économique reste de faible échelle, elle ouvre des perspectives d’une émancipation qui se fait avec les hommes. »

 

Une belle découverte pour la doctorante, d’autant plus que son travail de recherche lui a permis d’intégrer en octobre 2020 le prestigieux programme One Planet Fellowship. Annoncée lors du One Planet Summit de 2017, cette initiative est un programme de développement professionnel qui cible des scientifiques à fort potentiel, futurs leaders de la lutte contre le changement climatique en Afrique. Elle vise à développer un réseau dynamique et intergénérationnel de chercheurs qui peuvent soutenir des projets innovants et favoriser les partenariats de recherche. « Mon objectif à moyen terme est de développer une plateforme multi-acteurs qui permette de fédérer l’ensemble des groupements de femmes en agroécologie, au Sénégal dans un premier temps, puis en Afrique de l’Ouest et centrale par la suite. » Elle n’écarte pas la recherche pour autant. « Dans l’immédiat, je souhaiterais rester dans le milieu académique. Je pense faire un post-doctorat. Il me faut plus d’expérience dans le monde la recherche », conclut Marie-Thérèse Daba Sene.