Depuis 2017, Soushieta Jagadesh est doctorante à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Médecin de formation, elle a choisi d’étudier les maladies infectieuses émergentes sous la perspective de la biogéographie. Elle n’a pas hésité à s’installer en Guyane française pour poursuivre son projet. Sur le point de soutenir sa thèse, la jeune femme nous raconte son parcours académique et parle de son avenir.

Soushieta Jagadesh, doctorante indienne affiliée à l’IRD et à l’Université de Guyane.
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« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été passionnée par les virus. Je sais que c’est bizarre, confesse Soushieta Jagadesh, doctorante indienne affiliée à l’IRD et à l’Université de Guyane. Je suis fascinée par leur fonctionnement. » Un intérêt qui ne s’est pas démenti avec le temps. Son goût pour les microorganismes a guidé la jeune femme dans son choix de carrière professionnelle. « En Inde, on a peu d’alternatives. Pour être chercheuse en microbiologie, il fallait que je fasse médecine. » Après avoir brillamment obtenu son diplôme au PSG Institute of Medical Sciences & Research, à Coimbatore, la jeune médecin décide de se spécialiser en maladies infectieuses et tropicales. « Les maladies émergentes, dont la survenue est de plus en plus fréquente, font d’énormes dégâts sur les populations. On en a eu la preuve à l’échelle mondiale récemment, avec la pandémie de la Covid-19. » Elle poursuit sa formation à la Liverpool School of Tropical Medicine et réalise son mémoire de master sur les survivants de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone. « En 2016, j’ai passé 6 mois en Afrique de l’Ouest. La question récurrente à ce moment-là était : comment cette épidémie endémique de l’Afrique centrale s’est-elle déplacée ? L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pointait le lien entre déforestation et rapprochement des animaux sauvages potentiellement infectés des lieux d’habitation humaine. J’ai trouvé cette piste explicative très intéressante ». Soushieta découvre le concept One Health?Le concept One Health « une seule santé » reconnait l’interconnexion entre les santés animale, humaine et environnementale. . Elle pense que ses futurs travaux de recherche doivent s’inscrire dans ce mouvement.
« J’ai eu la chance d’avoir le choix entre deux propositions. Le cadre proposé par l’IRD correspondait réellement à ce que je recherchais. Le co-encadrement par des scientifiques ayant chacun leur domaine d’expertise, l’insertion dans une unité mixte de recherche favorisant l’interdisciplinarité… Pour moi, ces conditions de travail étaient parfaites. »
L’étudiante candidate à l’offre de thèse proposée conjointement par Marine Combe, microbiologiste, Rodolphe Gozlan, écologue, tous deux chercheurs de l’IRD au sein de l’Institut des sciences de l’évolution (ISEM), et Mathieu Nacher, médecin épidémiologiste, directeur du Centre d’Investigation Clinique Antilles-Guyane (Inserm CIC 1424). Les trois scientifiques la sélectionnent pour réaliser un doctorat sur la biogéographie des maladies infectieuses émergentes en Guyane française. « J’ai eu la chance d’avoir le choix entre deux propositions. Le cadre proposé par l’IRD correspondait réellement à ce que je recherchais. Le co-encadrement par des scientifiques ayant chacun leur domaine d’expertise, l’insertion dans une unité mixte de recherche favorisant l’interdisciplinarité… Pour moi, ces conditions de travail étaient parfaites », explique la doctorante. Un choix payant puisque Soushieta Jagadesh est, au terme de trois années de doctorat, l’auteure de 6 publications scientifiques. En février dernier, elle a même été primée par l’International Society for Infectious Diseases (ISID) pour la qualité de ses travaux. Ceux-ci ont notamment abouti à l’élaboration d’un modèle biogéographique prédisant le risque d’émergence de maladies infectieuses. Il a permis d’identifier des régions de Chine et d’Ouganda comme hotspots d’émergence de la fameuse maladie X, la maladie qui sera responsable d’une épidémie d’ampleur internationale, causée par un pathogène actuellement inconnu. Et ce avant même d’avoir des données sur la pandémie de la Covid-19.
Concernant son avenir, la jeune chercheuse est déterminée quant à son envie de s’élever à un haut niveau académique. Un choix qui va la tenir éloignée de l’Inde quelques années encore car, malgré son excellent parcours, la jeune femme reste confrontée aux inégalités de genre qui subsistent dans son pays natal. « J’aime mon pays mais je sais que dans les années qui viennent, je n’aurai pas la possibilité d’obtenir un poste de chercheuse. La majorité des postes de professeur ou de directeur de recherche sont occupés par des hommes. Je pourrais tout au plus exercer en tant que clinicienne mais je serais moins bien payée que mes homologues masculins. Pour moi, cette situation est inacceptable », raconte Soushieta. La doctorante va ainsi réaliser un post-doctorat à l’Institute of Social and Preventive Medecine, à Berne, en Suisse. Elle réfléchit également à la suite de sa collaboration avec Marine Combe et Rodolphe Gozlan. « Nous envisageons d’étudier l’épidémie de la Covid-19 à l’échelle de la Guyane française en appliquant le concept de biogéographie. Cela nous permettra de déterminer l’origine géographique du virus et sa dynamique d’évolution », conclut celle qui va soutenir sa thèse sous peu.