Projet de recherche
Avec 47 établissements d’enseignement supérieur reconnus officiellement pour une population d’environ 6 millions d’habitants, couplé à un territoire national marqué par son exiguïté, le maillage universitaire libanais se caractérise avant tout par la densité de son offre. Depuis 2005, au Liban, plus de la moitié des étudiants de l’enseignement supérieur sont inscrits dans un établissement privé. Le système d’enseignement supérieur libanais apparaît aujourd’hui stratifié, composé d’une seule université publique, de quelques universités d’élites et d’une myriade d’universités privées axées sur le marché dont l’essor a débuté au début des années 1990 avec le développement de politiques économiques d’inspirations néo-libérales. Aujourd’hui, dans le sillage de la crise économique et politique que connaît le pays, plusieurs de ces universités ont vu leurs recettes s’amoindrir, les conduisant à réduire leur offre de formation, renvoyer une partie de leur personnel enseignant et revoir à la baisse leurs conditions de travail et menacent, pour certaines, de fermer leurs portes. Aucune étude ne s’est encore intéressée de manière spécifique à cette nouvelle vague d’universités privées au Liban et aux reconfigurations en cours de l’enseignement supérieur, l’un des domaines les plus touchés par la crise. Cette recherche s’insère donc dans un champ d’étude encore peu développé au Liban alors qu’il porte des enjeux importants pour l’avenir du pays, comme celui des répercussions économiques, démographiques et sociales de ces reconfigurations d’ampleurs du paysage de l’enseignement supérieur et du champ de l’éducation d’une manière plus générale.
Ce projet vise dans un premier à produire des données originales sur les facteurs qui provoquent, facilitent ou freinent le développement d’établissements privés au Liban. Il s’agit plus précisément d’analyser les logiques sous-jacentes à l’implantation de ce type d’établissement en investiguant leurs stratégies d’expansion territoriale et de recrutement, ainsi que le sens et les formes que peuvent prendre la recherche de partenariats internationaux pour ces nouvelles universités. Ce projet a également pour vocation de produire des connaissances fondamentales sur les liens entre l’université publique et les universités privées de création récentes (après 1990), permettant ainsi de dépasser le biais courant dans la littérature scientifique opposant système d’enseignement public et privé. Nous développons ici l'idée d’une nouvelle géographie de l’enseignement supérieur au Liban qui s’est traduite, après les années 1990, par une délocalisation dans les périphéries urbaines et rurales, suivant les logiques du capitalisme académique. Le projet aborde ensuite la concurrence qui découle de l’implantation de ces nouveaux établissements et les manières dont ils essayent d’y répondre en tentant de se démarquer les uns des autres. Il s’intéresse ainsi aux représentations dont sont porteuses ces universités et qui renvoient à la recherche de « labels » internationaux synonymes à leurs yeux d’une certaine qualité d’enseignement.
Ce projet examine également comment les reconfigurations dans l’offre d’enseignement supérieur au Liban durant les 50 dernières années induisent différentes formes de mobilité et d’immobilités spatiales, mais aussi sociales. Nous nous intéresserons aussi aux reconfigurations induites plus récemment par le soulèvement populaire du 17 octobre 2019 et de la crise économique et politique actuelle. Le mouvement étudiant, principalement conduit par les étudiants de l’Université libanaise, l’unique université publique du pays, qui a joué un rôle clé dans l’intifada du 17 octobre, nous intéressera en particulier. Ces analyses nous permettent en définitive d’identifier la manière dont le modèle dominant néo-libéral de l’enseignement supérieur est adapté et contesté dans le contexte libanais. Ainsi, les dynamiques qui traversent l’enseignement supérieur depuis cinq décennies nous serviront comme grille de lecture pour comprendre plus largement les dynamiques de transformation sociale au Liban.
Responsable
- El Hachem Elsa , Université libanaise
- Hala Awada, Université libanaise
Membres de la JEAI
NOUN Wafa, Université libanaise
HASBANI Mariam, Université libanaise
AL HAJ Faten, Université libanaise
MARY, Kevin, Université de Perpignan
Correspondante IRD
- Kabbanji Lama , UMR196 CEPED
Disciplines scientifiques
Sociologie, géographie, démographie, économie
Mots-clés
Enseignement supérieur, Liban, privatisation, internationalisation, néolibéralisme, capitalisme académique
Références bibliographiques
Kabbanji, Lama, Hala Awada, Mariam Hasbani, Elsa El Hachem, et Paul Tabar. « Studying Abroad: A Necessary Path towards a Successful Academic Career in Social Sciences in Lebanon? » International Review of Sociology, 2019, 20.
Awada, Hala, Paul Tabar, Lama Kabbanji, et Mariam Hasbani. « Une lecture de la structuration du champ académique en sciences sociales au Liban : le cas de l’Université américaine de Beyrouth, de l’Université libanaise et de l’Université libano-américaine (en arabe) ». Idafat, no 45 (2019): 203‑31.
Kabbanji, Jacques. « Heurs et malheurs du système universitaire libanais à l’heure de l’homogénéisation et de la marchandisation de l’enseignement supérieur ». Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, no 131 (29 juin 2012): 127‑45. https://doi.org/10.4000/remmm.7651.
———. « The Status of Social Scientific Research in Lebanon in a “Globalized” Context: Attempt to Understand its Components, Conditions and Limitations ». In Towards an Arab Higher Education Space: International Challenges and Societal Responsibilities, UNESCO, Proceedings of the Arab Regional Conference on Higher Education Cairo 31 May, 1-2 June 2009., 507‑25. Beirut: Bechir Lamine, 2010.
Période de soutien janvier 2020 - Décembre 2022