Dans la continuité du Comité de pilotage scientifique et stratégique (CP2S) de l’IRD et de ses partenaires sur la «Souveraineté alimentaire au Sénégal», ce nouveau numéro du Jokko Sciences, invite à découvrir quelques approches et résultats de recherche qui mettent en exergue les territoires et les acteurs engagés dans cette quête de souveraineté alimentaire.
Edito
Isabelle Henry
Le carnet Irdien
Pierre Morand, nouveau représentant de l’IRD au Sénégal
A la Une
L’agroécologie, une nouvelle approche scientifique pour atteindre la souveraineté alimentaire
Zoom sur
Dytaes : l’IRD contribue à la dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal
Relations IRD et partenaires : le Comité de Pilotage Scientifique et Stratégique (CP2S), pour une stratégie conjointe avec nos partenaires sur la souveraineté alimentaire au Sénégal
Vade-mecum : quelle différence entre souveraineté alimentaire et sécurité alimentaire ?
Actualité
- En soutien à la souveraineté alimentaire : ART SUNU GUEEJ une initiative centrée sur l’économie bleue
- Foncier agricole et souveraineté alimentaire
- Souveraineté alimentaire, nutrition de l’enfant et implications thérapeutiques potentielles en Afrique de l’Ouest
Décryptage
Invitée : Mariam Sow, Enda Pronat
Thème : Territoires, acteurs et souveraineté alimentaire : défis et solutions
Editorial
Dans le contexte global des défis que nous affrontons, l’actualité internationale donne raison aux orientations et à la vision portée par l’IRD : concilier les problématiques globales et locales, placer la science au cœur de la décision publique, dans la résolution des problèmes, s’appuyer plus fortement sur la grande richesse de notre interdisciplinarité et sur l’importance du partenariat élargi, sur l’ouverture à la société civile... Ce sont ces orientations et cette vision qui illustrent la “science de la durabilité”.
C’est dans cet esprit que la Représentation de l’IRD au Sénégal propose une édition Jokko sur la problématique de la « Souveraineté alimentaire au Sénégal ». Ce choix se justifie par l’urgence de faire face aux conséquences du changement climatique, le Covid-19, mais aussi des conflits qui impactent la circulation des marchandises et en conséquence les migrations de populations.
Par exemple, en matière de riz, le Sénégal ne produit qu’un quart de ses besoins actuels avec une démographie galopante de +2,6 % par an. Grand importateur de ses principaux produits de consommation, le Sénégal subit actuellement de plein fouet les effets de cette situation. La souveraineté alimentaire n’est plus un rêve éloigné, elle devient une urgence humanitaire.Le Sénégal prévoit d’élaborer une stratégie nationale de souveraineté alimentaire qui répond aux priorités du Plan Sénégal émergent (PSE). Elle devra couvrir la période 2024-2029. Pour y accéder, l’État du Sénégal est convaincu que le développement de la recherche agricole à travers l’acquisition de nouvelles connaissances et l’émergence d’innovations, devrait contribuer à accélérer la production et la qualité des denrées de grande consommation, tout en respectant la contrainte de durabilité. La recherche doit être la locomotive pour asseoir une politique agricole qui devra répondre en interne aux besoins alimentaires de la population.
En réponse à ces grands
enjeux, la Représentation de l’IRD au Sénégal, mobilise son socle de
compétences en écologie, hydrologie continentale, productions aquatiques
et terrestres, connaissances des socio-écosystèmes et santé, au service de cette problématique. Un CP2S (Comité de Pilotage Scientifique et Stratégique) sur la souveraineté alimentaire au Sénégal s’est tenu dans ce sens fin juin 2023. Il nous a permis de discuter avec l’ensemble de nos partenaires sénégalais tous secteurs confondus, des conditions à réunir pour cette « reconquête de la souveraineté alimentaire ». La démarche soutenue par l’ensemble des acteurs préconise de porter une approche intégrée des systèmes agricoles et alimentaires, pour soutenir leurs stratégies et construire leur résilience. Quatre grands champs thématiques d’intérêt pour l’IRD au Sénégal ont été abordés : Eau holistique ; Produits aquatiques; Produits de la terre ; Économie, Gouvernance, Santé.
Ce nouveau numéro de Jokko dans la continuité de ce CP2S, vous permettra de découvrir quelques approches et résultats sur le chemin des solutions.
Cet éditorial sera mon dernier. Je quitte le Sénégal et en profite pour vous présenter dans ce numéro le futur Représentant, Pierre Morand, qui arrivera début septembre.
Je n’ai pas les mots pour exprimer à l’ensemble des acteurs, partenaires, collaborateurs le plaisir que j’ai eu à travailler avec chacun et la frustration de ne pas avoir fait plus. Il y a tellement à faire, pour répondre aux grands enjeux auxquels nous sommes tous confrontés. J’espère quand même qu’un petit pas aura été franchi...
Très bonne continuation à toutes et tous au cœur de cette enthousiasmante collaboration inclusive.
Bienvenue à
Pierre Morand, nouveau représentant de l’IRD au Sénégal

Après quatre années à la tête de la représentation de l’IRD au Sénégal, Isabelle Henry, passe le relais à Pierre Morand.
A partir de septembre 2023, Pierre Morand, chercheur biostatisticien de l’environnement et des pêches, assurera les fonctions de représentant de l’IRD au Sénégal.
Ses travaux à l’IRD ont porté sur la dynamique des ressources halieutiques et la vulnérabilité des communautés de pêcheurs, puis se sont étendus à la gestion des grandes zones inondables (delta intérieur du Niger) et à la conservation des zones côtières, envisagées dans le contexte du changement climatique.
Dans le cadre de projets de développement en Afrique de l’Ouest et dans les Caraïbes, il a effectué des expertises pour la construction de systèmes d’information et d’observatoires des pêches.
Pierre Morand a animé de 2017 à 2021 le programme IRD sur la vulnérabilité littorale. Il a dirigé l’UMI Résiliences de 2018 à 2021 et a récemment participé à la création de l’UMI SOURCE. Il revient au Sénégal après plusieurs années dans différents laboratoires en France et des affectations au Mali et en Côte d’Ivoire.
C’est l’occasion pour nous, de vous réitérer très chers partenaires, nos sincères remerciements pour votre confiance et votre franche collaboration depuis de si longues années, et particulièrement durant ces deux mandats d’Isabelle Henry au Sénégal. Nous sommes certains que vous retrouverez avec plaisir les mêmes relations avec Pierre Morand, le nouveau représentant de l’IRD au Sénégal
Décryptage
Territoires, acteurs et souveraineté alimentaire au Sénégal:défis et solutions
La rubrique décryptage ne pouvait choisir meilleure experte que Mariam Sow pour aborder les questions de souveraineté alimentaire, de territoires et des acteurs impliqués. Engagée en faveur de l’agroécologie, des causes des femmes et de la lutte contre la pauvreté, Mariam Sow travaille depuis toujours avec des petits producteurs et productrices et lutte aux côtés des paysans et paysannes contre la monopolisation des semences et l’accaparement des terre. Mariam Sow est la coordonnatrice d’ENDA Pronat.
Elle préside également le conseil du réseau international ENDA Tiers Monde. Elle nous livre ici sans détours son expertise et son avis sur les conditions de reconquête d’une souveraineté alimentaire dans le cadre d’un développement durable et inclusif au Sénégal.
Mariam Sow, quelle est votre définition de la souveraineté alimentaire ?
Mariam Sow : La souveraineté alimentaire, moi je la perçois quand un peuple arrive à partir de ses potentialités, à développer son autonomie au niveau de son alimentation. Une alimentation saine, produite dans le respect de l’environnement et qui donne la possibilité à toutes générations de produire dignement et de vivre dignement au niveau de son territoire.
C’est aussi avoir une alimentation équilibrée. Il ne s’agit pas de produire que du riz, c’est aussi produire du mil, du lait, etc. Si je prends le cas du Sénégal, selon les réalités écologiques, chaque région en fonction de ses potentialités pourrait arriver à instaurer une complémentarité au niveau de l’alimentation. Toute l’alimentation serait ainsi produite au Sénégal, par des Sénégalais.
Quel lien faites-vous entre sécurité alimentaire et souveraineté alimentaire ?
Mariam Sow : La souveraineté alimentaire est un préalable à la sécurité alimentaire. La souveraineté alimentaire renvoie à la notion d’autonomie, à toutes les possibilités qui nous permettent aujourd’hui d’être souverains. Nous avons nos terres, de l’eau, des ressources humaines qualifiées et de la recherche scientifique agricole de bon niveau. Donc ce qui nous reste c’est d’y croire.
Tout le monde est d’accord que l’agriculture, avec une vision de l’entreprenariat rural fondé sur les exploitations familiales, est une des clés de la souveraineté alimentaire. En réglant la problématique de la souveraineté alimentaire, on règle beaucoup de questions dont celles de la sécurité alimentaire et de l’emploi des jeunes.
En sachant que la souveraineté alimentaire est à la base de la gestion de tous ces équilibres économiques, il n y a pas de raison qu’on ne transfère pas les politiques agricoles et le financement de l’agriculture au niveau des communes. Chaque commune devrait être en mesure de porter le financement de son agriculture, d’organiser sa population et de rendre le paysan autonome.
Vous avez anticipé sur ma prochaine question en parlant d’exploitation agricole familiale et de territoire. Quelle place pensez-vous que l’agriculture paysanne pourrait avoir dans cette quête de souveraineté alimentaire dans un contexte de développement durable et territorialisé ?
Mariam Sow : Je crois personnellement que l’agriculture paysanne est la base fondamentale de notre souveraineté alimentaire. Chaque territoire doit aspirer à son autonomie qu’elle soit issue de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche ou de l’utilisation des produits de cueillette.
Avec la décentralisation, la notion de « commune intégrale » a émergé. Cela induit que chaque commune ait des pos- sibilités de créer des richesses à l’intérieur de son territoire. Et, ces richesses ne peuvent provenir autrement qu’à partir de l’exploitation familiale. De là, on pourrait arriver à l’idéal d’une « décentralisation intégrale » [...]
Le secteur privé a visiblement un rôle important à jouer dans la quête de la souveraineté alimentaire. A part l’entreprenariat à petit échelle réalisé par les femmes, pensez-vous que le secteur privé industriel pourrait aussi contribuer à cette quête de souveraineté alimentaire ?
Mariam Sow : Parfaitement! Une souveraineté alimentaire suppose que chaque communauté ait le droit de jouir des ressources naturelles de son terroir.
Partant de là, le secteur privé y a un rôle primordial à jouer. Entendons-nous bien, je parle bien de secteur privé national en particulier celui de la transformation des produits. [...]
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