Dimanche 19 novembre, c’est la journée mondiale des toilettes. Si le thème peut faire esquisser un sourire, ce dernier s’efface rapidement lorsqu’on réalise la difficulté d’accès à ces commodités dans le monde. Zoom sur quelques faits marquants.
Avoir envie d’aller aux toilettes, s’y rendre, tirer la chasse d’eau, se laver les mains… Ces gestes d’hygiène ne sont malheureusement pas à la portée de toutes et de tous à travers le monde. En cause principalement ? Un accès à l’eau difficile et des réseaux d’assainissement inexistants ou mal structurés… Selon les Nations unies, 494 millions de personnes continuent à pratiquer la défécation à l’air libre, principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Et plus de 80 % des eaux usées du monde toute origine confondue sont rejetées dans l’environnement sans traitement. Cela peut atteindre 95 % dans les pays ne disposant pas d’infrastructures d’épuration.
Ainsi, deux milliards de personnes utilisent des points d’eau contaminés par des matières fécales d’après l’OMS. Or, la contamination des ressources en eaux par des pathogènes favorise la transmission de nombreuses maladies comme la diarrhée, la dysenterie, le choléra, la fièvre typhoïde ou encore la poliomyélite. Toujours selon l’OMS, l’accès à l’eau potable et à des services d’assainissement pourraient permettre d’éviter chaque année plus de 400 000 décès par des maladies diarrhéiques dont près de 300 000 enfants de moins de cinq ans. Mais le chemin est encore long. 3,6 milliards de personnes ne disposaient pas de systèmes d’assainissement à domicile en 2020 selon les Nations unies. Quelques 2,3 milliards d’entre elles ne possédaient même pas d’installations de base pour se laver les mains.
Exode rural, densification des villes et absence de planification

Les eaux usées rejetées directement dans la rue, un problème de santé publique majeur au Sénégal.
© IRD - Seydina Ousmane Boye
Gérer l’assainissement est donc un défi important à relever, tout particulièrement dans les centres urbains des pays en développement qui n’ont pas les moyens d’étendre leurs réseaux d’assainissement pour faire face à une population en forte augmentation.
« Depuis la grande sécheresse des années 1970, l’exode rural a contribué à la densification des centres urbains, comme celui de Dakar, au Sénégal, où des populations se sont installées dans des espaces périphériques sans planification d’ensemble ni de réseau d’assainissement », indique Fatimatou Sall, géographe et présidente de l’Association des jeunes professionnelles de l’eau et de l’assainissement du Sénégal (AJPEAS). La majeure partie des eaux usées y sont rejetées directement dans les rues et les espaces de vie avant de rejoindre la nature. Des systèmes d’assainissement autonomes ont bien été construits dans certaines habitations mais la gestion des boues de vidange de ces fosses septiques est entachée de mauvaises pratiques. « À cause du manque de stations d’épurations et des coûts, de nombreux vidangeurs manuels font des dépôts sauvages ou enfouissent ces boues dans des zones humides », regrette la géographe. Cela occasionne une contamination des ressources en eaux.
Valoriser les boues de vidange
« La Société nationale des eaux du Sénégal (SONES) a dû fermer les forages au niveau de la nappe à Thiaroye à cause de cette pollution microbiologique », rapporte Fatimatou Sall qui coordonne un projet de valorisation de la gestion des boues de vidange dans la zone des Niayes au Sénégal. Avec le soutien technique de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS) et de Delvic, une entreprise sénégalaise spécialisée dans le traitement et la valorisation des boues de vidange, ainsi que l’appui financier du Service public de l’assainissement francilien (SIAAP) et du Partenariat français pour l’eau (PFE), ce projet porté par l'AJPEAS est en train d’établir un état des lieux de la gestion des boues de vidanges et des eaux usées dans les Niayes et d’analyser leurs impacts environnementaux et socioéconomiques. Cette bande côtière, qui va de Dakar à Saint Louis, abrite en effet une faune et une flore d’une grande richesse. Cette zone humide est aussi exploitée pour le maraîchage ce qui lui vaut le surnom de « grenier à légumes » du Sénégal. À terme, ce projet espère contribuer à valoriser cet écosystème fragile grâce à des solutions fondées sur la nature, c’est-à-dire, des actions visant notamment à protéger de manière durable des écosystèmes pour relever des défis de société, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Recycler les urines comme engrais azotés
Application de la matière organique dans les champs, Region de Maradi (Niger)
© Bachirou Bodo
Dans cette même optique, une étude, menée par quatre chercheurs issus de l’IRD, du Cirad, de l’université Boubakar Bâ de Tillaberi (Niger) et de l’université Joseph Ki-Zerbo (Ouagadougou), a montré que la mise en place de dispositifs de collecte des urines dans les villes subsahariennes permettrait de rendre ces ensembles urbains plus durables.
Les scientifiques ont montré que les pertes d'azote dues à l'assainissement et à la gestion des déchets dépassent largement les autres flux d'azote contenus dans les déchets de deux villes, Maradi, au Niger et Ouagadougou, au Burkina Faso. L'urine constitue ainsi la principale voie de perte d'azote. Mettre en place des systèmes pour la collecter et l’utiliser ensuite comme engrais permettrait de rendre le système urbain plus autonome et résilient. Cela améliorerait l'approvisionnement alimentaire régional et réduirait la pollution des eaux urbaines induite par l'assainissement, et contribuerait donc à la durabilité du système urbain. Pour donner une suite pertinente à cette étude, les chercheurs affirment qu’il serait intéressant d’explorer le potentiel de recyclage de l'urine.
(Re)découvrez les témoignages filmés par les jeunes du réseau ePOP sur le sujet.
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« Où vont nos cacas ? », par Salanon Aude Myriam
Atatchi Gnancadja Dossa Marcaire est promoteur d’un établissement d’assainissement à Sèmè-Kpodj, au Bénin. Son travail consiste “à assainir l’environnement en vidant les déchets liquides” des ménages et en les acheminant vers des sites de traitement. Atatchi explique que le Bénin ne dispose pas d’un système de canalisation ou d’acheminement des déjections approprié. La plupart des gens pratiquent le déversement à l’air libre, qui pollue l’environnement. L’activité de cet établissement d’assainissement apparaît donc essentielle, même si les employés doivent faire face à une dégradation de leur équipement, notamment la disparition des bassins d’eau qui servent au traitement, grignotés par l’érosion côtière.
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« Comme une épidémie », par Gilma Kasongo
Notre témoin, Dituzeyi Masala Mungenga, connu sous le nom de Pépé, raconte la dégradation des eaux de la rivière Tshuenge, en République démocratique du Congo. Auparavant, l’eau était bue par les habitants, on y baptisait même des personnes. Aujourd’hui, la rivière est devenue un dépotoir. D’après notre témoin, c’est la conséquence de l’exode rural et de l’augmentation de la population : les habitants ont de moins en moins de moyens et de place, notamment pour creuser des toilettes. Les déjections sont donc déversées directement dans la rivière, ce qui favorise le développement de maladies hydriques. La seule solution, selon Pépé, viendra de l’éducation des populations à la bonne gestion des déchets.
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« Exposé à l’air pollué », par Nathan Lumoro
Papa Kamoy Jean Bosco est couturier et dénonce la dégradation de la qualité de l’air à Bandundu ville en République Démocratique du Congo (RDC). A la pollution causée par l’industrie et les automobiles s’ajoutent les mauvaises odeurs dégagées par les dépotoirs et les toilettes non assainies. Papa Kamoy s’inquiète pour le futur et rappelle que selon l’OMS la pollution de l’air cause la mort de plus de six millions de morts par an.
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« La pollution de la Lubilanji », par Alidor Kazadi
Matthieu Mukendi Mutshi est pêcheur depuis plus de quarante ans sur la rivière Lubilanji en République Démocratique du Congo (RDC). Il raconte que les eaux sont polluées par l’activité humaine, ménagère notamment. Selon Matthieu seule 10% de la population riveraine dispose de toilettes et de douches ce qui explique que les habitants y fassent leurs besoins. Matthieu appelle à l’implication des autorités publiques pour la bonne gestion de la rivière Lubilanji.
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« La ville est sale », par Ange Lumpumvika
Piras Kawuvangua est un secouriste retraité de la Croix Rouge et vit à Matadi en République Démocratique du Congo (RDC). Il parle de la saleté des toilettes publiques du quartier Odimba et des ordures qui l’entourent. Les jeunes du quartier seraient prêts à nettoyer les sanitaires, raconte Piras, mais ils manquent d’argent pour acheter du savon. Il dénonce l’irresponsabilité de l’Etat et affirme qu’à l’époque coloniale une telle situation aurait été inenvisageable.
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