Les espèces envahissantes impactent lourdement la santé humaine et animale par la dissémination d’agents pathogènes à grande échelle, la sécurité alimentaire à travers l’introduction involontaire de ravageurs des cultures et des stocks, l’environnement par l’érosion de la biodiversité locale et les infrastructures.
Le coût de leurs dégâts, leur surveillance et leur gestion sont considérables (ex. 121 milliards USD aux USA, soit 1% du PIB américain). Elles se propagent essentiellement avec l’homme et ses marchandises, souvent de villes en villes qui sont autant de nœuds de transport et d’échanges. Les villes portuaires, véritables portes d’entrée et de sortie sur le reste du monde, constituent donc des zones particulièrement concernées par les invasions biologiques, et doivent jouer un rôle de premier plan dans leur contrôle.
En Afrique, les données sur les enjeux socio-environnementaux et économiques liées aux espèces envahissantes restent lacunaires, et l’implication des opérateurs socio-économiques et des décideurs politiques est faible, voire inexistante. Néanmoins, à Cotonou, la capitale économique du Bénin, des travaux de recherche pluridisciplinaires (entomologie agricole, écologie et génétique des populations de rongeurs, génétique de la résistance aux anticoagulants, épidémiologie moléculaire, systématique du zooplancton, sciences économiques, sciences juridiques, sociologie) menés en collaboration entre scientifiques français et béninois ont permis de mettre en avant des informations sanitaires, juridiques et économiques documentant les risques et de proposer des recommandations pratiques pour une meilleure gestion environnementale de l’environnement portuaire, notamment en matière d’espèces envahissantes.
Devant ce constat, et au vu des exigences du Règlement Sanitaire International (RSI), les autorités portuaires se sont engagées dans un processus partenarial avec la recherche française (IRD), béninoise (EPAC/UAC) et internationale (IITA) visant la mise en place de la première Plateforme Portuaire publique-privée technique et opérationnelle de Surveillance Environnementale (PPSE) (Figure 1) en Afrique au bénéfice des activités portuaires et des populations. Cette initiative, unique en son genre sur le continent et largement appuyée par l'agence de coopération belge ENABEL et le Service de Valorisation de l'IRD, a vocation à améliorer la gestion environnementale du Port Autonome de Cotonou (dont la gestion est assurée par le port d’Anvers, Belgique, depuis 2018) et du Bénin. À terme, elle pourra également fournir des services et/ou servir d’exemple pour d’autres opérateurs portuaires de la sous-région.
Dans ce cadre, une réunion de sensibilisation destinée aux représentants des acteurs portuaires (services du PAC, opérateurs socio-économiques) et de différentes institutions nationales et internationales (ex. IRD, EPAC/UAC, OMS, ENABEL, SCAC France, Service Naitonal de Lutte Anti-Vectorielle, etc) a été organisée en distanciel le lundi 1er février 2021. Après une introduction du projet de PPSE par Mme A. Tchaby, responsable Environnement au PAC, et Mr G. Alitonou, Directeur Général de l'EPAC, elle a été l'occasion pour les chercheurs de l'IRD (T. Adamjy et G. Dobigny), de l'IITA (G. Goergen) et un doctorant de l'EPAC coencadré par l'IRD/CBGP (S. Badou) d'expliquer les enjeux socio-économiques des invasions biologiques, de présenter les résultats scientifiques obtenus au PAC (ex. coûts économiques des destructions de denrées liées aux rongeurs envahissants, importation involontaire de pathogènes humains via le trafic maritime, outils génétiques pour guider la stratégie de dératisation au port, faune entomologique et risques d'introduction de ravageurs des cultures et de vecteurs d'arbovirus) et de rappeler le contexte règlementaire international, national et portuaire concernant les la gestion des espèces envahissantes.
Par ailleurs, Mr B. Amou (prestataire IRD, Service de Valorisation de l'IRD) a exposé l'étude en cours visant à cartographier l'ensemble des acteurs portuaires concernés par la PPSE, et à établir un plan économique pour la PPSE. Des échanges fructueux ont ensuite permis de confirmer l'intérêt suscité par ces thématiques majeures mais souvent trop peu prises en compte au Bénin.
