L’aquaculture marine et en eau douce a un potentiel de croissance considérable en Afrique et pourrait contribuer à nourrir sa population, en rapide croissance. Le défi reste de trouver des solutions afin que l'expansion de la production de produits de la mer se poursuive de manière durable dans les années à venir. Le réseau de recherche AfriMAQUA contribue à cette réflexion.

 

Le potentiel inexploité de l'aquaculture africaine

 

La planète se préparant à accueillir 2 milliards de personnes supplémentaires d'ici 2050, les défis de la sécurité alimentaire seront cruciaux. En parallèle à cette augmentation considérable de la population mondiale, la quantité de produits de la mer issue de la pêche stagne et la plupart des stocks de poissons sont déjà surexploités. Elever des poissons, crustacés, mollusques ou plantes aquatiques dans des fermes aquacoles d'eau douce ou d’eau salée apparait comme l'une des solutions pour répondre à une demande mondiale en produits de la mer en pleine croissance. Plus de la moitié de la consommation actuelle de ces produits provient actuellement de l'aquaculture.

Maria Darias, spécialiste de l'aquaculture à l'IRD, co-dirige le réseau de recherche sur l'aquaculture AfriMAQUA, financé par l'IRD : « La population africaine est celle qui augmente le plus rapidement au monde. La plupart des stocks de poissons du continent sont totalement exploités ou surexploités. Pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, il est urgent que l'Afrique augmente sa capacité de production aquacole. »

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© Viking aquaculture

Alimentation des ormeaux grâce à des laminaires à la ferme aquacole Buffeljags.

L'Afrique représente actuellement moins de 3% de la production mondiale totale. « Au Kenya, l'aquaculture ne représente que 15% de la production nationale de poisson. Alors que la demande augmente, 300 000 tonnes doivent être produites ou importées chaque année pour atteindre l'objectif de consommation de poisson par habitant recommandé de 10 kg / personne / an, déclare Mary Opiyo, chercheuse au Kenya Marine Fisheries Research Institute. La production progresse doucement, mais le pays a une grande marge de progression. » La diversification des espèces, la fabrication locale d'aliments de qualité pour les poissons et la transformation de lieux de production de subsistance en entreprises commerciales font partie des solutions encouragées par les scientifiques.

Elevage de coraux à Maurice.

© Nadeem Nazurally

D'autres exemples soulignent le grand potentiel de croissance de l'aquaculture sur le continent. L’Afrique du Sud étant l’un des leaders de l’économie africaine, son aquaculture ne représente que 0,34% de la production du continent. Nadeem Nazurally, maître de conférences à l'Université de Maurice, étudie les infrastructures locales: « Le lagon abrite plusieurs fermes aquacoles et le pays exporte déjà des produits de la mer vers les marchés américain et européen, mais leur nombre pourrait augmenter avec des installations adéquates et une formation suffisante. Les interruptions de vol dues au Covid-19 et la récente marée noire ont également rendu les exportations plus difficiles ».

 

Le défi de la durabilité

Ormeau élevé au centre de recherche sur l'aquaculture marine, au Cap, en Afrique du Sud.

© IRD - Cécile Bégard

Maria Darias insiste sur la nécessité pour l’aquaculture africaine de se développer de manière durable : « L’aquaculture ne doit pas avoir d’impact significatif sur les écosystèmes environnants. Elle doit également être rentable financièrement, socialement responsable et contribuer au bien-être des communautés. »

Les scientifiques considèrent la durabilité comme un élément clé du développement de l'aquaculture en Afrique. À Maurice, ils évaluent l'impact environnemental des fermes sur la biodiversité environnante et la qualité de l'eau. Les chercheurs kényans encouragent quant à eux les acteurs du secteur à mettre en œuvre des mesures sociales telles que les partenariats public-privé, les programmes d’intégration des jeunes et des femmes, les mesures favorisant la productivité des petits exploitants agricoles et l’adoption de technologies intelligentes et prenant en compte le changement climatique. L'Afrique du Sud concentre ses efforts sur les espèces à haute valeur ajoutée (oursins, ormeaux, etc.) afin d’accélérer le retour sur investissement et de créer plus d'emplois au sein des communautés.

Maria Darias rappelle également l’importance des aspects nutritionnels pour une aquaculture durable : « L'aquaculture ne doit pas seulement contribuer à nourrir la population. Elle peut et doit fournir une alimentation saine, abordable, nutritive, culturellement appropriée et sûre. Nous travaillons sur cet aspect de création du bien-être chez les populations, via la diversification de l'aquaculture basée sur la sélection d'espèces à teneur nutritive riche et diversifiée et le choix d'aliments sains et durables qui ne compromettent pas la qualité nutritionnelle du produit. »

 

L’aquaculture multi-trophique intégrée : la solution optimale ?

 

Brett Macey est chercheur spécialisé au sein du Ministère sud-africain de l'environnement, des forêts et des pêches : « Si l’on souhaite prendre en compte les défis environnementaux et sociétaux, tout en augmentant la production aquacole en Afrique du Sud, il faut généraliser l’adoption des technologies d’aquaculture multi-trophique intégrée (AMTI) ».

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© Viking aquaculture

Ferme aquacole d'élevage d'ormeaux.

Ces systèmes combinent « la culture d'espèces aquacoles nourries (poissons, crevettes, etc.) avec des espèces aquacoles extractives organiques (crustacés, poissons herbivores, etc.) et des espèces aquacoles extractives inorganiques (algues) pour créer des systèmes équilibrés, assurant une durabilité environnementale (bio-atténuation), une stabilité économique (diversification des produits et réduction des risques) et une acceptabilité sociale (meilleures pratiques de gestion). » (FAO)

L'élevage de différentes espèces dans un système intégré garantit en effet une production plus durable grâce au recyclage de l’eau et des nutriments et une consommation d'énergie réduite grâce à des coûts de pompage moins élevés. « Par exemple, si un agriculteur produit des algues marines, elles peuvent être réinjectées dans le système, en tant qu'aliments complémentaires et additifs alimentaires pour d'autres espèces », explique Brett.

Ces systèmes comportent également des défis, car ils sont plus complexes à gérer. Les maladies peuvent aussi se propager plus rapidement dans un système intégré. Des scientifiques de toute l'Afrique s'efforcent de trouver des réponses durables à ces défis, en menant des recherches sur le microbiome, sur le développement de nouvelles espèces et de nouveaux aliments et sur la production de vaccins et de probiotiques.

Brett conclut: « L'aquaculture implique des industriels, des décideurs, des scientifiques et les communautés locales. Des approches multidisciplinaires et des partenariats internationaux sont essentiels pour son développement en Afrique, afin de nourrir la population africaine ».

 


En savoir plus sur le réseau de recherche AfriMAQUA.

Regardez le webinaire dédié à l’aquaculture durable en Afrique, qui s’est tenu en ligne le 14 octobre 2020.