La dynamique du partenariat de l'IRD en Afrique évolue et la feuille de route Afrique repose sur ce partenariat agile, respectueux et durable établi à l'échelle de chaque pays, en cherchant à renforcer son impact à une dimension régionale et sous-régionale. Entretien avec Gilles Pécassou, directeur général délégué de l'IRD, au sujet des enjeux de cette nouvelle stratégie.
Le nouveau Contrat d’objectif, de moyens et de performance (COMP) de l’IRD signé avec ses deux tutelles, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche fixe le cap pour la période 2021-2025 et s’arrime à ce nouveau cadre national et européen. La définition d’une stratégie Afrique y figure comme la première priorité géographique de l’IRD afin de repenser le modèle de partenariat scientifique de l’Institut en lui donnant une nouvelle dimension régionale, conscient de la diversité des pays composant l’Afrique et des nombreuses solutions qu’elle apporte aux défis globaux.
Ce modèle repose sur une approche de recherche inter et transdisciplinaire, favorisant la co-construction avec les partenaires africains. Il vise à renforcer les liens avec divers acteurs tels que les partenaires de développement, les secteurs académiques et non académiques, les ONG, le secteur privé, tout en étant une source de projets. L'objectif est d'accroître les connaissances et les ressources individuelles, tout en fournissant une meilleure information aux décideurs, qu'ils soient africains ou européens, sur les solutions aux problèmes des territoires.
Entretien avec Gilles Pécassou, directeur général délégué de l'IRD
L’Afrique est la première priorité géographique de l’IRD. Quels enjeux sous-tendent la recherche sur le continent africain ?
Le Contrat d’Objectif, de Moyens et de Performance (COMP) de l’IRD signé avec le MEAE et le MESR pour la période 2024-2027 identifie l’Afrique comme la première priorité géographique de l’IRD. Il s’agit du continent sur lequel nous avons le réseau le plus dense de partenaires et d’alumni. La recherche y est d’autant plus essentielle que les effets et les conséquences du changement climatique sont décuplées en Afrique, entraînant des bouleversements importants sur le plan socio-économique notamment.
En quoi cette nouvelle stratégie redéfinit-elle les partenariats scientifiques de l'Institut en Afrique ?
Notre approche est principalement basée sur le développement de partenariats bilatéraux, porteurs d’actions de recherche, formation et innovation codéveloppées et alignées sur les priorités et besoins des acteurs locaux. Compte-tenu de l’ampleur des défis contemporains, du fait que les problèmes soient les mêmes de part et d’autre des frontières, de l’urgence de trouver des solutions et du besoin de rassembler des masses critiques de chercheurs sur des sujets priorisés, l’IRD souhaite développer plus de partenariats et de projets à l’échelle régionale.
L’approche régionale, complémentaire des actions bilatérales, nous permettra :
- D’améliorer notre impact sur l’agenda 2030 (plus de synergies, de partage et de mutualisations)
- D’augmenter la résilience de nos actions dans un contexte d’instabilité politique
- De changer l’échelle de notre contribution à la construction de l’espace africain de l’ESRI
- De répondre à la demande croissante des bailleurs pour des approches régionales
- De donner une plus forte visibilité à l’IRD sur des grands thèmes priorisés
L'IRD a nommé une conseillère régionale. Comment cette nomination s'articule-t-elle avec cette nouvelle stratégie ?
Comme nous l’avons fait pour les outre-mer et compte tenu de la densité de nos actions en Afrique, il a semblé logique de disposer d’une conseillère scientifique régionale qui pourra opérationnaliser cette stratégue de régionalisation de nos activités et nos partenariats. Dominique Dumet travaille en lien étroit avec la gouvernance et le DRIE, et joue un rôle dans le suivi des communautés d’innovation, qui regroupent des chercheurs du Nord et du Sud, des institutions, des bailleurs, des acteurs de la société civile.
La lecture régionale devrait permettre de créer des ponts d’une grande région à une autre, entre la région méditerranéenne, l’Afrique de l’Ouest et Centrale, et l’Afrique de l’Est, Australe et l’océan Indien.
Que permettrait la mise en place d’une stratégie commune inter-instituts ?
Nous avons pour ambition de créer davantage de collaborations et de synergies avec l’ESR français et tous les acteurs de l’Équipe France. Ainsi, les opérateurs français bénéficieraient d’une visibilité accrue et pourraient être collectivement plus compétitifs sur les défis portés conjointement par la France et les partenaires africains, sur des thématiques diverses telles que One Health, le changement climatique, la biodiversité, la grande muraille verte, les villes durables. En raison de notre implantation solide dans 35 pays grâce à 20 représentations, l’IRD pourrait constituer le point focal pour la collaboration entre les opérateurs de l’ESR français et les opérateurs de développement nationaux, européens et internationaux.
Quelles nouvelles perspectives offrent la mise en place de communautés d’innovation, du projet Planète IRD Sud, ou encore du réseau d’alumni, trois dispositifs qui favorisent le lien et l'échange ?
Ces trois dispositifs permettent avant tout de favoriser la mise en relation et les contacts entre les acteurs de la recherche au Sud, les entreprises, les ONG, les bailleurs, les institutions, les associations, la société civile, et d’ainsi faciliter l’avancement de projets multi-acteurs visant à faciliter l’émergence de solutions innovantes à destination des Suds.