Les réseaux d’aires marines protégées font partie des stratégies internationales de conservation de la biodiversité. Une revue systématique, réalisée en partenariat avec l’UMR Espace-Dev et publiée dans la revue Conservation Letters, s’est intéressée aux lacunes autour de l’évaluation de ces zones et propose une nouvelle approche.
Le plan stratégique pour la biodiversité biologique 2011-2020 est constitué de vingt objectifs, dits « Objectifs d’Aichi » dont le 11 qui concerne les aires marines protégées (AMP). Si les pays cherchent globalement à atteindre les objectifs chiffrés, ils sont moins regardant sur la qualité des zones préservées. Il était urgent de renforcer la prise en compte des paramètres qualitatifs.
Redresser la démarche des pays et affiner les évaluations
Pour rappel, l’objectif 11 visait, entre autres, à ce que « au moins au moins 10 % des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, soient conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement […] » d’ici 2020. Mais privilégier de très grands espaces pour remplir au plus vite cet objectif ne garantit absolument pas l’efficacité des réseaux d’AMP ainsi constitués.
Au-delà de ce chiffre de 10%, six éléments qualitatifs sont bien spécifiés dans l’objectif 11 d’Aichi : « connectivité écologique », « représentation écologique », « gestion équitable », « gestion efficace », « zones d'importance pour la conservation de la biodiversité et les services écosystémiques », et « intégration dans le paysage terrestre et marin au sens large ». Mais il n’existe pas de définition commune qui permettrait d’évaluer ces critères.
Afin de déterminer de nouveaux indicateurs de l'efficacité des réseaux d’AMP, un groupe de chercheurs s’est appuyé sur les résultats de leur revue systématique de publications portant sur cette question. Ils ont relevé des lacunes dans la plupart des 64 publications analysées. « Les critères écologiques et la gestion efficace sont très représentés, mais les éléments socio-économiques le sont beaucoup moins », constate Rodolphe Devillers de l’UMR Espace-Dev, qui dirige le projet dans le cadre duquel cette étude a été réalisée. Par exemple, la « gestion équitable » n’a été évaluée que deux fois, et « l'intégration dans le paysage plus large et le paysage marin » trois fois seulement sur l’ensemble de l’échantillon des publications. A l’opposé, la « gestion efficace » a été évaluée 153 fois et la « représentation écologique » 36 fois.
Relier des indicateurs précis aux éléments quantitatifs
S’il est difficile de calculer précisément la surface des zones marines et côtières protégées, il semblerait qu’on approche les 10 %, sans toutefois les atteindre. « Mais, même si ces 10 % étaient atteints, ce ne sont pas forcément 10 % utiles dans une optique de conservation », estime le géographe. Et, étant donné l’absence de définition commune des critères qualitatifs, il n’est pas possible de savoir si l’objectif est atteint du côté de la pertinence dans le choix des espaces protégés.
Pour une meilleure approche, les auteurs recommandent aux évaluateurs de prendre réellement en compte les six critères consignés dans l’objectif 11 d’Aichi. Plus précisément, en utilisant les 48 indicateurs pluridisciplinaires principaux ressortis de leur revue. Chaque indicateur identifié correspond à un ou plusieurs éléments qualitatifs. A l’avenir, ces indicateurs pourraient servir de « boîte à outils » de portée internationale pour l’ensemble des acteurs qu’ils soient associatifs, gouvernementaux ou de recherche.« Les nouvelles cibles pour la période 2020-2030 doivent être décidées en mai 2021 à Kunming, en Chine. Parmi les propositions qui devraient être faites : passer à 30 % des espaces protégés. On espère une définition précise des éléments qualitatifs à cette occasion », note Rodolphe Devillers.
Publication : Meehan, MC, Ban, NC, Devillers, R, Singh, G, Claudet, J. How far have we come? A review of MPA network performance indicators in reaching qualitative elements of Aichi Target 11. Conservation Letters. 2020;e12746. https://doi.org/10.1111/conl.12746
Aller plus loin :
Contact science : Rodolphe Devillers, IRD, UMR Espace-Dev rodolphe.devillers@ird.fr
Contacts communication : Léna Hespel, Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr