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Déjouer les stratégies de mimétisme moléculaire du parasite du paludisme, c’est le projet d’Arthur Talman. Un projet d’importance pour lutter contre cette maladie, sélectionné par le Conseil européen de la recherche qui vient de lui attribuer une bourse Advanced Grant.

© Arthur Talman

« Manipulera bien qui manipulera le dernier », pourrait être le crédo d’Arthur Talman. Le biologiste de l’IRD, au sein du laboratoire Mivegec, vient de recevoir une bourse du conseil européen de la recherche (ERC) pour son projet de recherche sur le paludisme. Intitulé Trojan – cheval de Troie, en anglais – il compte déjouer les interactions du pathogène responsable de la maladie avec le système immunitaire de l’hôte.
« Le paludisme demeure une cause majeure de décès évitables à travers le monde : en 2023, il a été à l'origine de pas moins de 631 000 décès, selon un rapport de l'Organisation mondiale de la santé », rappelle le chercheur.

Malgré la disponibilité d'une gamme d'outils de lutte tels que les traitements curatifs et préventifs, les vaccins, les moustiquaires imprégnées d'insecticide, et malgré les progrès réalisés depuis le début des années 2000, la perspective de réduire l'impact du paludisme et de l'éradiquer à long terme exige des investissements soutenus ainsi que le développement d'outils de lutte novateurs fondés sur une meilleure compréhension de la biologie du parasite responsable de cette maladie, Plasmodium falciparum.

 

Partie de cache-cache entre le parasite et le système immunitaire

Stade sanguin (violet) de Plasmodium falciparum survivant à l’intérieur de globules rouges.

© IRD - Arthur Talman

C’est là que le projet d’Arthur Talman entre en jeu ! « P. falciparum peut persister chez son hôte humain pendant de longues périodes : cela lui permet de survivre et de se transmettre à d'autres personnes par le biais de piqures de moustique », explique le lauréat du financement Advanced Grant du Conseil européen de la recherche (voir encadré). Pour assurer cette cohabitation avec son hôte sans être détruit par le système immunitaire humain, le parasite déploie une multitude de stratégies. « Par exemple lors de sa phase sanguine ?Le cycle de vie de Plasmodium falciparum est complexe. Il comporte des phrases chez le moustique, chez l’humain, dans les cellules du foie, dans le sang…, le parasite reste caché à l’intérieur des globules rouges. Pour passer incognito, il les recouvre d’ailleurs avec des protéines parasitaires qui possèdent une structure similaire à des protéines humaines, ce qui lui permet de tempérer la réponse immunitaire de l’hôte », continue Arthur Talman. 

 

(Dé)jouer à armes égales

Le parasite déploie une panoplie complexe de gènes interagissant avec l’hôte permettant de maximiser sa survie. Exemple de programme d’expression génique chez une population de parasites uniques,

© IRD - Arthur Talman

Dans le projet Trojan, le chercheur et son équipe comptent mettre à jour les mécanismes de manipulation de la réponse immunitaire par le parasite. « Nous étudierons cette question à la fois dans des systèmes de culture en laboratoire à Montpellier et directement dans des infections palustres en Afrique de l’Ouest », prévoient-ils. Ces deux approches leur permettront de mettre en évidence des mécanismes biologiques et de comprendre leur importance dans un contexte de vie réelle pour optimiser l’impact des recherches. « En particulier, nous allons explorer comment le parasite a évolué pour coexister avec le système immunitaire humain. Le projet Trojan pourrait révéler de nouvelles cibles chez le parasite ainsi que des mécanismes de tolérance immunitaire », espère Arthur Talman.

Un conseil européen de la recherche, plusieurs financements

Le conseil européen de la recherche (ERC) a vocation à financer des projets scientifiques exploratoires, aux frontières de la connaissance, dans tous les domaines de la science et de la technologie. Son seul critère de sélection est celui de l'excellence scientifique. Il existe plusieurs catégories. Les bourses Starting Grant et Consolidator Grant s’adressent aux jeunes chercheurs pour qu’ils constituent ou renforcent leur équipe de recherche autour de projets sur des sujets ambitieux et risqués, répondant à des enjeux ou verrous scientifiques innovants, encore non traités jusqu'ici. Les bourses Advanced Grant s'adressent à des chercheurs confirmés souhaitant développer un sujet de recherche exploratoire innovant, en rupture par rapport à leur activité scientifique en cours.

Le projet TROJAN est le premier ERC Advanced Grant remporté par l'IRD, il sera doté d’un budget de 2 499 924 euros sur 5 ans. C’est le 11e projet soutenu par l’ERC auquel l’IRD est associé.

Contact

Arthur Talman, UMR MIVEGEC (IRD/CNRS/Université de Montpellier)

arthur.talman@ird.fr