La pollution de l’air extérieur, les mauvaises habitudes alimentaires et les risques métaboliques, comme l’hypertension, provoquent désormais bien plus de décès dans le monde que les facteurs de risque classiques, tels que la pollution microbienne de l’eau, ou la malnutrition maternelle et infantile. Cette transition épidémiologique constitue un nouveau champ de recherche scientifique, qui mobilise les chercheurs de l’IRD.

Datavisualisation réalisée en partenariat avec le magazine La Recherche

Depuis deux siècles, l’utilisation intensive des énergies carbonées provoque des changements profonds et durables de l’environnement planétaire. Le changement climatique en est la manifestation la plus préoccupante à long terme. L’utilisation massive des énergies fossiles a profondément modifié le modèle de développement des sociétés. Ces progrès techniques ont longtemps occulté les risques pour la santé humaine, associés à l’extraction des matières premières, à l’industrialisation et à l’urbanisation. Parallèlement, la population mondiale, mieux nourrie, mieux protégée des aléas, mieux soignée, a été multipliée par sept depuis le XIXe siècle. Cette évolution impose à l’environnement une pression de plus en plus intense.

La pollution : enjeu de santé publique majeur

Dans un article récent, The Lancet Commission on Pollution and Health alerte sur le fait que près de dix millions de personnes meurent chaque année à cause de la pollution. « C’est une estimation conservatrice, car beaucoup de relations causales restent à établir », souligne Jacques Gardon, médecin épidémiologiste à l’IRD.

La distribution spatiale et sociale de cette morbi-mortalité est de plus très inégalitaire : elle touche essentiellement les populations les plus vulnérables. En effet, la mondialisation des échanges a entraîné la délocalisation des industries polluantes dans les pays du Sud ; les activités extractives s’intensifient dans les pays les moins avancés, qui supportent les conséquences environnementales et sanitaires ; et pour nourrir une population toujours plus nombreuse, l’agriculture utilise des quantités massives de produits phytosanitaires. Ainsi, à court terme, les pays en développement profitent d’une période de forte croissance économique, qui permet de réduire la pauvreté. Cependant, dans bien des cas, la pollution obère le potentiel humain et environnemental.

Les facteurs comportementaux et métaboliques en forte hausse

D’autres facteurs de risque de mortalité ont émergé ces dernières décennies. C’est le cas des mauvaises habitudes alimentaires et des risques métaboliques (surpoids, obésité, hypertension…), responsables respectivement de 10,9 millions et 17,6 millions de décès en 2017.

Les sociétés investissent beaucoup pour protéger leurs populations des risques imminents et des aléas ponctuels, qu’ils soient naturels ou anthropiques. « A l’inverse, les risques chroniques s’avèrent difficiles à identifier. Les populations restent souvent passives devant leurs conséquences à long terme », indique Jacques Gardon.

« Notre santé dépend de nos comportements, de notre patrimoine génétique et de notre environnement », complète Yves Martin-Prével, nutritionniste et directeur du département Santé et sociétés à l’IRD. Le poids relatif de ces trois déterminants varie en fonction des contextes et des maladies. Il peut être lié à des comportements, comme le tabagisme ou l’alimentation. Il peut dépendre du patrimoine génétique pour certains cancers (de l’ovaire ou du sein par exemple), et de l’environnement pour certaines maladies respiratoires. « Mais dans la majorité des cas, les causes sont difficiles à identifier car elles sont chroniques, multiples, intriquées. C’est un véritable défi scientifique ».

Des recherches interdisciplinaires

Afin de mieux comprendre les interactions entre environnement et santé, et évaluer l’incidence des nouveaux facteurs de risque, les chercheurs développent des approches interdisciplinaires et intersectorielles.

Le concept d’exposome est utilisé depuis 2005?Le concept a été proposé en 2005 par Christopher Paul Wild, dans un article publié par l’American Association for Cancer Research (AACR). Il a ensuite été repris dans la loi de modernisation de notre système de santé, adoptée en avril 2015, et dans le 4e Plan national santé environnement (2020-2024), présenté par le ministre de la Transition écologique et solidaire et la ministre des Solidarités et de la Santé en janvier 2019.. Il repose sur la prise en compte de toutes les expositions - environnementales, alimentaires, comportementales, psychologiques et socio-économiques - que subissent les individus au cours de leur existence, pour l’étude des risques et la prise en charge sanitaire.

Les chercheurs de l’IRD s’intéressent à ce concept. Ils développent une approche globale et systémique de la complexité des phénomènes environnementaux et sanitaires.


Contacts : yves.martin-prevel@ird.frjacques.gardon@ird.fr et andre.garcia@ird.fr