Découvrez le parcours de Sébastien Barot et Souleymane Konaté, spécialistes de l’écologie des sols qui collaborent au sein du nouveau LMI EDD-BIODIV.

 

Le Laboratoire Mixte International écologie et développement durable - Biodiversité, agro-écologie et écologie urbaine, « LMI EDD-BIODIV », fait ses premiers pas en cette fin d’année 2020. Il consacre une collaboration et un partenariat qui s’appuient sur l’histoire d’une rencontre entre deux hommes : Sébastien Barot et Souleymane Konaté, respectivement spécialistes des insectes sociaux et de  l’écologie des sols et des écosystèmes. Ce LMI incarne leur ambition scientifique commune et sans doute aussi le désir de construire ensemble un instrument de travail sur le fil d’Ariane scientifique et la relation amicale, qui lient ces deux passionnés depuis 1994. Leurs ascensions professionnelles et scientifiques dessinent une double identité remarquable et des retrouvailles récurrentes, entre projets, réalisations, publications et souvenirs.

Du quartier latin …

L’étudiant du Centre Suisse de Recherche Scientifique à Adiopodoumé, Souleymane Konaté, fort d’une scolarité exemplaire à l’Université de Cocody (actuelle université Félix Houphouët-Boigny) obtient une année de bourse de l’Etat de Côte d’Ivoire. C’est le sésame pour rejoindre un laboratoire de pointe à Paris, qui va être le lieu d’une première rencontre entre les jeunes hommes, alors étudiants en DEA (ndlr. ancien Master 2) dans le laboratoire d’écologie de l’Université Paris 6. Sébastien Barot après une école d’ingénieur forestier à Nancy, rejoint lui aussi la rue d’Ulm. « C’était le laboratoire d’écologie de Paris 6, mais à l’époque nous étions hébergés à l’Ecole Normale Supérieure qui a cofondé la station de Lamto en 1962 » retrace-t-il. Il y débute un DEA d’écologie, son champ de prédilection, qui lui permet de faire un séjour dans le centre de la Côte d’Ivoire, à la station d’écologie de Lamto. Celle-ci va devenir son terrain de prédilection dans la suite de son parcours.

à la station d’écologie de Lamto

Les souvenirs fusent, entre les anecdotes et l’immersion dans la station de Lamto qui constitue pour les deux étudiants un haut-lieu de l’écologie tropicale, dont ils soulignent la place et la notoriété en Afrique de l’Ouest. « Tout se faisait à Lamto, c’était la Mecque pour l’écologie tropicale » explique Souleymane, « C’était un lieu de rencontre entre chercheurs ivoiriens et français, une tradition qui a perduré (…) il n’y avait pas de distinctions, nous étions tous à la même enseigne sans différence, ce qui permettait de créer facilement des choses ensembles ». Une station scientifique qui a joué selon les deux chercheurs un rôle très important dans le développement de l’écologie scientifique en France et en Afrique de l’Ouest. « Ce qui a toujours été génial à Lamto c’est que c’est une station de terrain, donc quand on se lève le matin en dix minutes nous pouvons être en train de faire nos expériences et nous sommes tous ensemble à partager des repas, à dormir dans les mêmes locaux, et il y a donc beaucoup d’interactions entre les disciplines » ajoute Sébastien.  

Des parcours qui s’entrecroisent  

Souleymane Konaté, riche de sa thèse obtenue en 1998, revient en Côte d’Ivoire où il devient le premier directeur ivoirien de la station d’écologie de Lamto, poste qu’il occupera pendant 10 ans. Il part ensuite à l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) Burkina Faso (West and Central Africa Regional Office), puis au programme West African Science Service Center on Climate Change and Adapted Land Use (WASCAL), tous deux à Ouagadougou. Dès la réouverture des universités en Côte d’Ivoire (suite à a crise post-électorale), il revient en 2012 pour diriger le laboratoire d’écologie de l’UNA (Université Nangui Abrogoua, ex Abobo-Adjamé) et maintenir ainsi la tradition de Lamto avec des chercheurs dont une bonne partie ont été formés par lui; puis, en 2016 et de manière concomitante, assurer la direction du  programme WASCAL de l’Université Felix Houphouët Boigny.

De son côté, Sébastien Barot soutient sa thèse en 1999 et se lance ensuite dans un « post-doc » à l’International Institute for Applied Systems Analysis en Autriche. Il est recruté par l’IRD en 2002 et signe son Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) en 2007. Moins de 10 ans après son recrutement, il accède au corps des Directeurs de Recherche en 2011. Il a toujours été au service du collectif en ayant par exemple été président de la Société Française d’Ecologie et d’Evolution, dont il est toujours vice-président. Il s’attache aussi à participer à la promotion et à la vulgarisation de la science écologique. Une autre fulgurance. Le LMI EDD-BIODIV, qu’il codirige avec Souleymane, prend son envol en décembre 2020.

Des souvenirs des « Arènes de Lutèce », où Souleymane Konaté allait jouer au foot, au terrain de basket improvisé à Lamto (appelé écobasket), au cours de Salsa qui nourrissent la passion musicale de Sébastien Barot, la complicité des deux hommes est palpable. Leur complémentarité scientifique s’inscrit dans l’expérience d’une amitié que le hasard a mis des trésors d’ingéniosité à renforcer. Lorsque Sébastien est recruté à l’IRD il intègre un laboratoire dont les terrains se situent en Amérique latine. C’est à la faveur de construction des Unité Mixtes de Recherche qui réunissent les « Établissements Publics à caractère Scientifiques et Techniques » (CNRS, IRD, INSERM, etc.) et les Universités que l’écologue retrouve son équipe de thèse et le terrain de Lamto.

Une collaboration ancrée dans un laboratoire commun

Avec le LMI EDD BIO-DIV, les deux amis relèvent un nouveau défi, qui loin d’être un retour en arrière s'apparente plutôt à un saut vers l’avenir. « Cela fait vingt-cinq ans qu’on se connait, derrière il y a tout le groupe de son laboratoire et une bonne partie de formation mutuelle, c’était assez logique de faire un LMI ensemble » raconte Sébastien. « Nous avions aussi besoin de formaliser notre coopération à travers des projets structurants » souligne Souleymane de son côté.

La station scientifique de Lamto reste au cœur de ce nouvel outil, comme le développe le duo : « L’optique du LMI c’est de partir des recherches relativement théoriques faites à Lamto sur le fonctionnement des écosystèmes pour en sortir des applications » avec notamment un volet sur l’agroécologie et l’écologie urbaine : « Le but du LMI est d’aller vers des thématiques qui ont plus d’impact sur la société parce que c’est l’objectif de l’IRD que d’avoir de l’impact au Sud ». Lieu de formation, terrain d’expérimentation et véritable tremplin entre la théorie et la pratique, le LMI a pour but de « porter des vraies questions en écologie », d’aller chercher des financements extérieurs, et de développer un outil qui va perdurer et permettre un « saut qualitatif dans la structuration et la reconnaissance de nos activités », expliquent-t-ils. Une des autres missions du LMI sera d’ouvrir la station d'écologie aux collègues anglophones :« Lamto est connu internationalement, mais nous accueillons finalement assez peu d’anglo-saxons » relève le chercheur français « le LMI va pouvoir nous permettre d'avancer dans cette direction en partant des atouts de la station ».

Il y a près d’un mois, Souleymane Konaté a été nommé Directeur Général de la Recherche et de l’Innovation au sein de son ministère de tutelle, nouvelle annoncée par Sébastien aux réseaux de l’IRD avec une joie non dissimulée. Durant l’entretien, les deux chercheurs sourient et se regardent en nous le racontant. Sébastien rompt le silence et l’intimité de ces quelques secondes riches du sentiment victorieux des deux chercheurs : « C’est quand la dernière fois que tu as été à Lamto ? » Souleymane, entre deux éclats de rire, promet à Sébastien que son poste au ministère ne l’éloignera jamais trop longtemps de Lamto : « On ne peut pas s’en défaire ».

 Pour en savoir plus :
 https://theconversation.com/profiles/sebastien-barot-427870,

Institut d’écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris
Station d’écologie de Lamto

Fred Eboko

Valérie Cromer