Stéphanie DOS SANTOS et Eric Pascal ZAHIRI constituent un duo original d’interdisciplinarité. Entre la sociologue-démographe et le physicien de l’atmosphère, leur travail en commun porte aussi les vertus et les pistes irréductibles et inédites des rencontres humaines. Les deux spécialistes sont réunis autour du projet scientifique « Evènements Pluvieux Extrême, Vulnérabilité aux inondations et à la contamination des Eaux » (« EVIDENCE »). Ils sont unis par cette complicité qui offre aux programmes scientifiques les parfums de la solidarité. Elle représente le gage qui permet de résister aux vents et qui donne à la science le second souffle par lequel les femmes et les hommes de science signent des parcours croisés du sceau de l’amitié.
- Une rencontre de rêve, entre la Méditerranée et l’Atlantique
C’est toujours avec un éclat particulier, celui des étoiles dans les yeux, que Stéphanie aborde la question de cette interdisciplinarité amicale avec Eric : « Eric est physicien de l’atmosphère ! ». La sociologue démographe manifeste un enthousiasme qui en dit long sur le caractère a priori improbable mais pourtant réelle de cette collaboration interdisciplinaire. En construisant son projet de recherche en 2017 sur les questions des conditions environnementales de vie dans les villes africaines, fil d’Ariane de ses travaux de recherche, la chercheure IRD entame des échanges à distance avec Eric ; entre Marseille et Abidjan, entre la Méditerranée et l’Atlantique. Stéphanie est affectée à Abidjan en 2019, à la faveur des réunions organisées à l’IRD autour du Représentant de l’époque Jean-Marc Hougard, les deux chercheurs finissent par se rencontrer. Stéphanie témoigne :
« J’animais cet atelier où chacun.e, dans sa discipline devait définir ce qu’il entend par le concept « eau ». Ce premier dialogue entre disciplines n’était pas forcément évident et je me souviens qu’Eric s’est prêté au jeu ».
Eric a attendu l’arrivée de Stéphanie à Abidjan, avec plus d’appétence qu’il ne l’imaginait lui-même. Il explique :
« Chose curieuse, loin des considérations physiques, j’ai vu Stéphanie en songe quelques jours avant qu’elle n’arrive à Abidjan pour la mise en œuvre du projet ».
C’est donc au bout d’un songe que cette « rencontre de rêve » a débuté. La franchise onirique d’Eric en dit long sur la qualité de la relation entre les deux personnages aussi différents que peuvent l’être la lune et le soleil. Il arrive que les astres se croisent. Eric est calme, une sorte de force tranquille qui laisse Stéphanie prendre la parole et mettre en avant toutes les facettes et les qualités du physicien de l’atmosphère :
« J’apprécie sa diplomatie pour la gestion des désaccords au sein du projet. Idem pour l’humilité qu’il a avec les étudiants.e.s et sa compassion envers leurs difficultés. Eric ne représente pas l’image du professeur mandarin comme on peut trop souvent en connaître. Et c’est remarquable ; surtout pour quelqu’un qui a pu aller se former à l’extérieur de la Côte d’Ivoire comme en Allemagne, au Brésil ou en France ».
Le regard d’Eric sur sa collègue n’est pas moins admiratif et empathique :
« J’apprécie fortement les présentations à deux têtes qui mettaient en relief cette complicité (…). De cette collègue, je retiens sa disponibilité, son sens de faire toujours avancer les choses malgré vents et marrées. Toujours disponible pour apporter son expertise. Dans un contexte où le financement de la recherche se fait rare, elle a pris l’initiative de me faire financer un séjour dans son laboratoire et faire connaître le projet que nous portons. Elle est toujours prête à franchir le pas pour aller vers d’autres disciplines et comprendre leurs préoccupations ou intérêts de recherche. Une démarche qui est un atout pour construire des approches en interdisciplinarité ».
Le terme « contre vents et marées » tombe à pic en ce qu’il correspond à la pugnacité de Stéphanie et, symboliquement, à la thématique qui traverse le programme de recherche dans lequel cette paire est engagée.
- « Pour moi, elle est la « championne » de l’interdisciplinarité »
Entre la physique de l’atmosphère et les sciences sociales que portent respectivement les deux collègues, il a fallu beaucoup d’envie et surtout un « sens de l’autre » comme aurait dit l’anthropologue Marc Augé. Eric souligne :
« Sans elle, je ne sais pas si j’aurais été capable de sortir de mon ‘confort’ dans ma discipline pour aller m’intéresser à des questions qui relèvent des sciences sociales et qui me paraissaient totalement éloignées de mes préoccupations ».
Ce sont ainsi des allers et retours intellectuels, au-delà de la jonction des deux disciplines, qui nourrissent cette aventure scientifique. Stéphanie relate une expérience récente, assez improbable :
« Un des points culminants de notre collaboration me concernant : lorsqu’il m’a demandé, en juin dernier, d’évaluer le mémoire de maîtrise d’un étudiant de son laboratoire, donc en maîtrise de physique, moi, sociologue et démographe. J’ai donc fait le travail, certes il portait sur les données du projet Évidence. Et lors de la soutenance, j’ai eu à faire quelques commentaires qui, je crois, ont été pertinents sur l’analyse de la qualité de la donnée ».
- Un exemple pour la science de la durabilité : mettre à profit l’aurore
La rencontre transdisciplinaire entre Stéphanie et Eric se situe dans le très large programme interdisciplinaire que constitue le projet « EVIDENCE ». Il met en exergue une dynamique scientifique plurielle avec plusieurs laboratoires appartenant à deux universités ivoiriennes, l’Université Félix Houphouët-Boigny (UFHB) et l’Université Nangui Abrogoua (UNA). Il croise également plusieurs unités de recherche de l’IRD dont HydroSciences de Montpellier (HSM) dont le socle est l’hydrologie et le LPED de Marseille. En sus, Stéphanie, dans sa dynamique personnelle, cumule des partenariats judicieux au sein de l’UFHB. Faire la visite de ses bureaux, à l’École Nationale de Statistiques et d’Économie Appliquée (ENSEA) comme à l’Institut de Géographie Tropicale (UGT) constitue toujours un moment particulier qui parle d’une femme de science dont la personnalité suscite un sentiment rare et récurrent dans le contexte académique : la joie. Eric n’a donc pas tort de parler de sa collègue sous l’angle d’une rencontre unique. Et vice et versa pour ce qui concerne les qualités humaines et scientifiques d’Eric, entre son sourire lumineux qui est l’hommage de l’excellence à l’humilité et son ouverture d’esprit qui est un appel constant au partenariat équitable et amical.
Le lien qui unit ces deux scientifiques restitue le parcours de la science de la durabilité, le dessein de l’IRD, définit par Olivier Dangles et Claire Fréour :
« Cette science s’intéresse aux interconnexions complexes entre les systèmes naturels, sociaux et techniques, et à la manière dont ces interactions affectent, dans le temps et l’espace, les systèmes de maintien de la vie sur la planète, le développement socio-économique et le bien-être humain. »[1]
Pour autant l’enjeu de cette science de la durabilité qui ambitionne également de constituer une « science des solutions » n’a rien d’une évidence. Au-delà des avantages de l’expérience avec Éric, la conseillère et animatrice de la « Communauté de Savoirs » (CoSav) « Villes Durables » de l’IRD avoue non sans peine un certain désenchantement par rapport à ses attentes interdisciplinaires globales dans ce projet EVIDENCE :
« Malheureusement, personnellement, j’ai trouvé que les résultats de ce travail sur l’interdisciplinarité n’étaient pas ceux espérés, au regard de l’investissement en temps et énergie que cela demandait. J’avoue que j’ai donc renoncé à alimenter cet aspect collectif de l’interdisciplinarité au sein de tout le projet, pour me concentrer davantage sur les travaux propres à mon groupe de travail, qui nécessitaient de toutes façons des collaborations avec les spécialistes d’autres disciplines ».
Pour autant, Eric pour sa part retient surtout les bénéfices de sa collaboration avec son binôme :
« Par ce qu’elle a pu m’apporter en interdisciplinarité, j’en suis devenu le défenseur de cette approche partout où l’occasion m’est donnée ».
Stéphanie et Eric sont porteurs d’un espoir au cœur des enjeux et difficultés de l’interdisciplinarité, l’espoir de jours meilleurs, comme une promesse portée par l’aurore, lorsque le soleil vient à la rencontre de la lune. Stéphanie DOS SANTOS et Eric Pascal ZAHIRI nous invitent à mettre à profit l’aurore…
Fred Eboko, Représentant de l’IRD en Côte d’Ivoire
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[1] Olivier Dangles ; Claire Fréour, sous la direction de , Science de la durabilité, Marseille, IRD, 2022, p. 11.