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Découvrez le portrait de Marwan Fahs, chercheur en hydrologie en mission longue durée au Liban. 

© IRD

Nous avons interrogé Marwan Fahs, en mission longue durée au Liban où il poursuit son projet de recherche. Titulaire d’un doctorat en mécanique des fluides et d’une HDR en sciences de la Terre de l’université de Strasbourg. Il a travaillé comme ingénieur CNRS en calcul scientifique au sein de l’institut mécanique des fluides et des solides de Strasbourg et ensuite au laboratoire d’hydrologie et de géochimie de Strasbourg. Depuis 2015, il est maître de conférences en hydrogéologie à l’école nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg. Il développe ses activités de recherche au sein de l’institut terre et environnement de Strasbourg. Ces activités portent essentiellement sur la modélisation physique des écoulements souterrains et des processus de transfert de masse et de chaleur dans les aquifères. Ces approches de modélisation sont importantes pour la gestion des ressources en eaux souterraines et pour l’étude des effets des changements climatiques et des activités humaines sur la qualité et quantité de ces ressources.  

« Mon projet IRD au Liban porte sur l’évolution des ressources en eau sous forçages climatiques et anthropiques dans les l’aquifère karstique au Liban. En effet, avec un taux moyen de précipitation bien élevé par rapport aux pays voisins, le Liban est considéré, historiquement, comme le « château d'eau du Moyen-Orient ». Cependant, la croissance démographique, les transformations sociales et économiques, l'expansion des terres agricoles irriguées, l'exploitation incontrôlée des eaux souterraines et les changements climatiques ont créé une situation actuelle contradictoire.  

L’eau est devenue au Liban une ressource rare et un facteur limitant les moyens du développement. Depuis 2012, la brusque augmentation du nombre d’habitants liée à l’accueil de plus de 1,6 million de réfugiés syriens (UNHCR, 2020 ; soit plus d’un quart de la population totale) a décuplé la pression sur les ressources en eau. La peur d’une menace de stress hydrique à l’horizon 2030 est aujourd’hui largement partagée par les gestionnaires et les décideurs. L’aspect quantitatif ne constitue pas la seule source d’inquiétude. La qualité des eaux a également été impactée. On estime que seulement 36 % de la population libanaise consomme une eau qui répond aux normes internationales (UNICEF, 2016). Ces différents éléments en lien avec les ressources en eau nécessitent la mise en œuvre d'un plan de gestion complet et de nouvelles politiques stratégiques pour prévenir d'éventuelles futures pénuries d'eau. 

Les eaux souterraines constituent la première source d’eau douce au Liban. La surexploitation de cette ressource entraîne une forte diminution des niveaux d’eau et réduit significativement la capacité de pompage dans les principaux aquifères. Dans les aquifères côtiers, la surexploitation provoque la salinisation des eaux souterraines par intrusion saline. La qualité des eaux souterraines a aussi atteint un niveau inquiétant de détérioration à cause des activités agricoles et industrielles et de la mauvaise gestion des eaux usées et des ordures. 
A l’heure actuelle, il n’existe pas de stratégie claire pour la gestion des eaux souterraines dans le pays. Les puits d’exploitation sont creusés d’une façon chaotique. La nature karstique des aquifères libanais rend les eaux souterraines très vulnérables à la contamination par les activités humaines et la pollution des eaux de surface. Malgré que les eaux souterraines représentent un élément crucial pour le développement du pays, ces ressources sont très peu étudiées et mal surveillées en termes de quantité et de qualité. Le Liban manque de directives pour une protection appropriée de ses ressources précieuses en eaux souterraines.

Dans ce contexte, nous nous intéressons, en particulier, à la gestion des eaux souterraines à Beyrouth, où vit la majeure partie de la population libanaise. Pour satisfaire ses besoins en eau, la ville dépend de son aquifère littoral et de l’aquifère montagneux de Jéita (20 km au nord de Beyrouth). La surexploitation des eaux souterraines à Beyrouth a provoqué un abaissement important du niveau de la nappe et une intrusion massive d'eau salée. Ceci a augmenté la salinité dans certains puits à des milliers de milligrammes par litre, rendant ainsi les eaux souterraines impropres pour n’importe quelle utilisation. La fonte des neiges contribue d’une façon importante au bilan hydrique de l’aquifère de Jéita. De ce fait, l’aquifère est très sensible aux changements climatiques et leurs conséquences météorologiques.

L’objectif principal de mon projet de recherche est de prédire, à travers la modélisation et les observations in-situ, l’évolution qualitative et quantitative des ressources en eaux souterraines dans ces aquifères et de proposer des nouvelles stratégies d’adaptation et de planification, intégrant les stress climatiques et anthropiques. En s’appuyant sur des modèles réalistes, ce projet vise à développer des outils de décision pour proposer de nouvelles stratégies de gestion. Ce projet implique des collaborations avec les chercheurs IRD au Liban, le CNRS Libanais, l’Université Saint Joseph, l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et l’Observatoire Libano-Français (O'LIFE). »