31,7 % des espèces de plantes vasculaires d’Afrique tropicale pourraient être menacées d’extinction. C’est ce que révèle une étude internationale coordonnée par un chercheur de l’IRD, publiée dans la revue Science Advances le 20 novembre 2019. Grâce à une nouvelle approche fondée sur les éléments clés du processus d’évaluation de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les chercheurs sont parvenus, pour la première fois, à évaluer le statut de conservation potentiel de la flore tropicale à l’échelle d’un continent.

Face aux menaces – d’origine anthropique et climatique - qui pèsent sur la nature, la préservation de la biodiversité tropicale constitue un défi majeur. Pour favoriser la mise en œuvre de meilleures pratiques de gestion de la biodiversité, les Etats et accords internationaux sur la biodiversité se réfèrent aux évaluations des espèces « à risque d’extinction », réalisées par l’UICN dans le cadre d’une procédure normalisée (Cf. liste rouge mondiale des espèces menacées). Cette approche reste la plus complète et la plus objective pour identifier les espèces prioritaires à protéger.

Alors que l’état de conservation de la plupart des espèces de vertébrés a été évalué, ce n’est pas le cas des plantes, malgré leur importance cruciale pour les écosystèmes terrestres. C’est particulièrement vrai dans les zones tropicales, où la flore y est très diversifiée et reste mal documentée.

© T. Stévart et al.

6 990 espèces potentiellement menacées

Dans cette étude, les chercheurs ont mis au point une nouvelle approche automatique et rapide, fondée sur des éléments clés du processus d’évaluation de la conservation de l’UICN. Leur objectif : fournir des informations pertinentes sur l’état de conservation d’un grand nombre d’espèces de plantes à grande échelle, sous la forme « d’évaluations préliminaires automatisées de conservation »?Preliminary Automated Conservation Assessments (PACA). .

Les chercheurs ont ainsi appliqué cette méthodologie à la base de données RAINBIO?Base de données unique et en libre accès, financée par le CESAB et la FRB, regroupant une large majorité des données d’occurrence végétale collectées en Afrique entre 1782 et 2015 (Cf. Marc S. M. Sosef et al. Exploring the floristic diversity of tropical Africa. BMC Biology, 2017)., riche de plus de 600 000 enregistrements d’occurrences végétales en Afrique tropicale, provenant de plus de 20 000 espèces de plantes vasculaires.

Après avoir classé ces espèces en six catégories – parmi lesquelles les espèces « probablement ou potentiellement menacées », celles « potentiellement rares » et celles « potentiellement pas menacées » - ils révèlent que près d’un tiers (31,7 %) des 22 036 espèces de plantes vasculaires étudiées sont potentiellement menacées d’extinction, et que 33,2 % des espèces sont potentiellement rares (elles pourraient être menacées dans un avenir proche).

Faciliter les évaluations de la biodiversité à grande échelle

Après avoir déterminé les espèces les plus en danger, les chercheurs ont identifié quatre régions particulièrement exposées en Afrique : l’Ethiopie, le centre de la Tanzanie, le sud de la République démocratique du Congo et les forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest. Ils soulignent les avantages de cette approche basée sur les évaluations préliminaires automatisées de conservation : réduction des coûts, gain de temps et possibilité d’effectuer des évaluations à de grandes échelles.

« Cette étude constitue la première évaluation du statut de conservation potentiel de la flore à une échelle continentale, suivant la méthodologie de l’UICN », souligne Thomas Couvreur, botaniste à l’IRD qui a coordonné l’étude. « Ces évaluations pourraient fournir des informations cruciales pour améliorer la gestion de la biodiversité et favoriser un développement économique durable en Afrique. Elles n’ont toutefois pas vocation à remplacer les évaluations complètes réalisées par l’UICN, qui conduisent à des statuts officiels. Les deux approches sont complémentaires. Un effort international important reste à fournir, pour évaluer toutes les espèces de plantes en Afrique », insiste-t-il.

« Ces résultats ont été possibles parce que les partenaires impliqués ont accepté de mettre leurs données en commun », précise Bonaventure Sonké, Professeur au Laboratoire de Botanique systématique et d’Ecologie de l’Ecole normale supérieure (Université Yaoundé 1, Cameroun). « C’est un signal fort pour inciter les chercheurs à partager leurs données, en vue d’obtenir des résultats à plus grande échelle ».

 


Référence : T. Stévart, G. Dauby, P.P. Lowry II, A. Blach-Overgaard, V. Droissart, D.J. Harris, B.A. Mackinder, G.E. Schatz, B. Sonké, M.S.M. Sosef, J-C. Svenning, J.J. Wieringa, T.L.P. Couvreur. A third of the tropical African flora is potentially threatened with extinction, Science Advances, 20 novembre 2019. DOI : 10.1126/sciadv.aax9444

Partenaires de l’étude : Missouri Botanical Garden, Université Libre de Bruxelles, Aarhus University, Royal Botanic Garden Edinburgh, Royal Botanic Gardens Kew, Université de Yaoundé 1, Ecole normale supérieure du Cameroun, Botanic Garden Meise, Naturalis Biodiversity Center, IRD.

Contacts :

Thomas Couvreur, botaniste à l’IRD, laboratoire Diversité, Adaptation, Développement des plantes (DIADE)

Gilles Dauby, écologue à l’IRD, laboratoire botanique et modélisation de l’architecture des plantes et des végétations (AMAP)

Bonaventure Sonké, Professeur au Laboratoire de Botanique systématique et d’Ecologie de l’Ecole normale supérieure (Université Yaoundé 1, Cameroun)

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