Quel océan pour nos enfants ? Un consortium multidisciplinaire prend son envol en Nouvelle-Calédonie et à Fidji pour renforcer une vision commune et des actions durables et efficaces. Financé par le Forum de Belmont, PACPATH vise ainsi à rassembler des experts scientifiques pour favoriser la connaissance de l’Océan, l’efficacité des politiques et la définition d’indicateurs appropriés, afin de transformer les manières d’exploiter les ressources de l’Océan pour qu’elles soient durables.

© IRD - Jean-Michel Boré

Un projet en réponse à l’ODD14 des Nations Unies

Dans quel océan vivrons-nous dans 10 ans ? Quel lagon lèguerons-nous à nos enfants et petits-enfants ? L’Océan est une ressource inestimable. Si certains « services » sont chiffrables, tels que la quantité de poissons exploitée ou le bénéfice lié au tourisme, d’autres le sont moins, comme par exemple la protection des côtes par une barrière de corail en bonne santé. Les Nations Unies se sont saisies de ces problématiques en se fixant un « objectif de développement durable (ODD) » visant à « conserver et exploiter de manière durable les océans (ODD14) ». Prenant l’exemple de la pêche, cela revient à s’assurer que les prises ne menacent pas la possibilité de reproduction et régénération des poissons. Depuis le 1er janvier 2021, la Décennie des Sciences océaniques a été lancée à l’échelle mondiale pour mobiliser les acteurs concernés afin de mettre en œuvre l’ODD14 pour aller vers « L’océan dont nous avons besoin pour l’avenir que nous voulons ».

Le rapport du GIEC de février dernier sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité confirme que l’Océan est en souffrance. Le réchauffement climatique augmente par exemple le nombre de canicules marines. En 2016, une importante canicule sur la grande barrière de corail australienne a causé une mortalité massive du corail. Cette même année, plusieurs îles du Pacifique ont vu leurs plages jonchées de poissons, poulpes et crabes morts, tués par des canicules similaires, et les modèles de climat annoncent une augmentation de la fréquence des canicules marines de 10 jours par an à plus de 100 ou 200 jours par an suivant les régions et les scénarios de pollution par gaz à effet de serre. Les conséquences sur l’Océan seraient dramatiques. Au-delà de cet exemple, l’ODD14 recherche à établir la durabilité des pêches, à réduire la pollution marine, l’acidité des océans, et rendre durables bien d’autres services rendus par l’Océan.

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La nécessité d’une compréhension commune

Comment décider de mesures si l’on ne comprend pas l’environnement océanique ? Les recherches scientifiques sont essentielles pour avancer mais elles ne sont pas suffisantes. L’implication de l’ensemble des acteurs de l’océan est nécessaire : scientifiques, enseignants, banquiers, artistes, entrepreneurs dont les ressources sont basées sur l’océan, gouvernements, amoureux du lagon et plaisanciers, communautés, représentants coutumiers, jeunes et futurs leaders, structures régionales intergouvernementales, associations et structures sportives doivent se mettre autour de la table pour :

  1. établir une compréhension commune des problématiques ;
  2. proposer des solutions co-construites de conservation, de prévention et d’adaptation assorties d’observations et d’outils de gestion.

PACPATH « PACific ocean PATHways »

Pour favoriser cette approche, le Forum de Belmont, une entité internationale dont le but est de favoriser la mise en oeuvre des ODD, a financé un projet océanien : PACPATH, dont les enjeux sont décrits dans un article en cours de parution. Le projet PACPATH vise à rassembler des experts scientifiques pour mieux comprendre l’impact du changement climatique sur l’océan Pacifique, l’économie et les sociétés océaniennes ; les acteurs et les structures de gouvernances liées à l’ODD14 et le lien entre les communautés et leur environnement. Des ateliers de travail rassembleront les parties prenantes pour établir quelles recherches, données et indicateurs peuvent soutenir et s’assurer de la durabilité océanique.

PACPATH portera dans un premier temps sur des études pilotes à Fidji et en Nouvelle-Calédonie, et s’appuiera sur une co-construction avec les acteurs institutionnels et académiques, les communautés locales, les détenteurs de connaissances locales et traditionnelles et les autres parties prenantes. Ces études dont la nature et le site seront déterminés avec les institutions calédoniennes et fidjiennes, créeront un cadre et une méthodologie qui pourront servir d'autres pays insulaires, notamment avec le Centre de la Communauté du Pacifique pour les Sciences Océaniques (PCCOS) dont l’objet est de fournir des services scientifiques intégrés pour la gestion des océans, la gouvernance des océans et les observations océaniques.

Consortium PACPATH

Le consortium initial de PACPATH est composé d’experts de 14 organisations dont l’IRD, l’Université du Pacifique Sud basée à Fidji, l’UNC, plusieurs universités allemandes et américaines, la Communauté du Pacifique, l’entreprise Mercator Océan international et l’Observatoire du Littoral du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Il comprend notamment des leaders académiques reconnus dans leurs domaines, dont deux auteurs principaux du rapport spécial du GIEC sur les océans.

Pour aller plus loin

 

>> Publication

Alexandre Ganachaud, Karina von Schuckmann, Andra Whiteside, Cécile Dupouy, Pierre-Yves Le Meur, Maeva Monier, Simon Van Wynsberge, Antoine de Ramon N’Yeurt, Maria Mañez Costa, Jérôme Aucan, Annette Breckwolds, Louis Celliers, Pascal Douillet, Sebastian Ferse, Elisabeth Holland, Heath Kelsey, Vandhna Kumar, Simon Nicol, Maraja Riechers, Awnesh Singh, David Varillon, 2022. CMEMS SST and Chl-a indicators for two Pacific Islands: a co-construction monitoring framework for an integrated, transdisciplinary, multi-scale approach, Copernicus Ocean State Report, Issue 6, Section 2.3, Journal of Operational Oceanography.

De la série de mesure à l’indicateur co-construit
L’étude Ganachaud et al. (2022) se base sur des mesures comparées de température océanique et d’activité phytoplanctonique à Fidji et à Nouméa. Elle montre d’une part l’écart entre les mesures de terrain, plus rares mais plus précises, et les mesures dérivées des satellites, plus régulières et moins précises. Sur ce constat, l’équipe multidisciplinaire propose une approche de co-construction afin de cibler, avec les acteurs locaux, les indicateurs pertinents et plus généralement la trajectoire optimale pour faire face au changement climatique de l’Océan. Cette approche reconnait combien la complémentarité et le dialogue entre science, structures de gouvernance et savoirs traditionnels et locaux sont essentiels à la réussite et la durabilité des efforts d’adaptation.

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Contact

Alexandre Ganachaud, Coordinateur PACPATH

Océanographe, UMR LEGOS et ENTROPIE - Mercator Ocean international