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Le projet Santé et parcours migratoires des aide-ménagères à Bamako a démarré en décembre 2020.Il est  porté par Dr Luis Sagaon Teyssier, chercheur de l'IRD ( SESSTIM) , Bintou Dembélé Keïta ,directrice ARCAD Santé Plus et Sitan Fofoana, présidente de l'ADDAD.

Au Mali, l’exode rural est un phénomène culturel existant depuis les années 70. Pendant la saison sèche, qui dure neuf mois, de nombreuses jeunes filles quittent les campagnes pour aller travailler en ville. A Bamako, on estime ainsi qu’il y aurait plus de 100 000 aide-ménagères originaires des zones rurales. La plupart d’entre elles proviennent des régions de Ségou, Sikasso, Koulikoro, Mopti et quittent leur village à un âge souvent très jeune, entre 11 à 19 ans. A Bamako, ces jeunes filles cherchent un travail d’aide-ménagère pour apporter une aide financière à leur famille.

Sans éducation scolaire ni protection familiale, les aide-ménagères d’origine rurale sont exposées à de multiples dangers : violence physique et morale, viol, avortement, abandon d’enfant, maladies sexuellement transmissibles. Loin de leurs familles et de leur environnement, elles sont particulièrement vulnérables. Elles travaillent majoritairement dans des conditions précaires, ne respectant pas le code du travail : absence de contrat, d’horaires raisonnables, de jour de repos hebdomadaire, de congé annuel.  Depuis une dizaine d’année, plusieurs Organisations Non Gouvernementales (ONG) existent au Mali pour les soutenir. Elles assurent principalement des formations d’aide-ménagère, gouvernante ou cuisinière. Certaines ONG proposent une aide à l’hébergement, l’alphabétisation ou la défense des droits.

Elles négocient parfois les salaires, gèrent les transactions financières et les contrats. Elles peuvent lutter contre la déscolarisation et les stigmatisations, assister les jeunes mamans et les filles mères. Pour ces ONG, l’action et la viabilité repose souvent sur un financement fragile. En ce qui concerne la santé, les jeunes aide-ménagères restent néanmoins démunies. En effet, aucune ONG ne s’intéresse actuellement à la santé physique et mentale des aide-ménagères au Mali.

Objectif général

étudier les connaissances, attitudes, croyances et comportements des aide-ménagères, en termes de santé (y compris sexuelle), dans un contexte de vulnérabilité liée à la migration cyclique (allers et retours au gré des saisons sèches et de pluie) ; et évaluer l’acceptabilité d’une offre de prévention et de soins intégrée dans les activités de l’ADDAD Mali.

Méthodes

Enquête qualitative préliminaire basée sur des groupes de discussion pour explorer les besoins en santé des aide-ménagères et pour construire des campagnes de sensibilisation par l’ADDAD. Enquête quantitative transversale, et qualitative sur la base d’entretiens individuels.

État d’avancement

projet accepté pour financement en décembre 2020. Le protocole de recherche a été approuvé par le Comité d’Éthique de la Faculté de Médecine en juillet 2021. Une enquête qualitative préliminaire a eu lieu en août 2021 : 3 groupes ont été définis selon l’âge (12 à 14 ans, 15 à 17 ans, 18 ans et plus) ; 3 selon l’expérience de travail (ayant séjourné à Bamako pendant moins de 3 mois, de 3 à 12 mois, plus de 12 mois) ; et 1 avec des aide-ménagères enceintes ou ayant des enfants. Les entretiens sont en cours d’analyse, ainsi que la campagne de sensibilisation qui se déroulera dans les régions de Sikasso et Koulikoro (en Septembre 2022), Ségou et Mopti (en Décembre 2022). Le questionnaire et les guides d’entretien individuel sont construits compte tenu des résultats de l’enquête qualitative préliminaire. Les enquêtes qualitative et quantitative démarreront en Janvier 2023 pour une durée de 5 mois auprès d’environ 1100 aide-ménagères à Bamako.

Partenaires

  • Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virale ( anRS)
  • Institut de Recherche pour le Développement ( IRD)
  • ARCAD Santé Plus

Résultats de l’enquête qualitative préliminaire

Le principal thème qui émerge est la  situation de grande dépendance et de vulnérabilité des aide-ménagères vis-à-vis de leur employeur : les attitudes de celui-ci envers elles (charge de travail imposée, accès à la nourriture, à l’eau et aux produits d’hygiène, conditions d’hébergement, prise en charge financière des soins médicaux, considération à l’égard de l’aide-ménagère et protection contre les violences au sein du foyer) semblent déterminantes pour leur santé physique et mentale, et dans son recours aux soins (automédication, traitements traditionnels ou visite aux centres de santé). Les plus jeunes aide-ménagères sont particulièrement vulnérables.

Le risque de violences sexuelles au sein du foyer employeur est élevé, ainsi que le risque associé de grossesse non désirée et de représailles qui en découlent. Les aide-ménagères ne connaissent pas les moyens de prévention et de dépistage du VIH/SIDA et autres IST. La fonction de la contraception et ses méthodes hormonales modernes sont connues par certaines aide-ménagères, mais très peu utilisées. Le préservatif n’est jamais cité.

Les aide-ménagères sont globalement favorables à une offre communautaire de soins dispensée à l’ADDAD par des femmes, ainsi qu’à la constitution d’une caisse de solidarité pour les dépenses médicales. Les raisons citées incluent le climat de confiance parmi les pairs, une meilleure prise en compte de leurs difficultés liées à leur condition d’AM, et la crainte d’être discriminées dans les centres de santé.

En conclusion, l’enquête qualitative préliminaire montre au sein des aide-ménagères de multiples formes de vulnérabilité face au risque de VIH, d’IST et de grossesses non désirée : manque de connaissances, exposition aux violences sexuelles, conditions de vie et d’accès aux soins précaires et très dépendantes de l’employeur. Ces résultats renforcent la pertinence d’associer au niveau communautaire, défense des droits des aide-ménagères et offre de prévention et de soins adaptée aux besoins spécifiques de cette population. Ils permettent également d’identifier les axes de recherche à approfondir pour évaluer dans quelle mesure les aide-ménagères au Mali constituent un groupe à risque concernant le VIH.

https://www.franceculture.fr/emissions/le-reportage-de-la-redaction/vih-pourquoi-il-faut-augmenter-les-financements-du-fonds-mondial