Financé dans le cadre du deuxième appel ANR « RA-Covid-19 », le projet EPI-COV est dédié à l’« Épidémiologie Environnementale du Covid-19 en Guyane française ». Cette surveillance est basée sur l’analyse des eaux usées urbaines et périurbaines.

Marine Combe, IRD, virologue et microbiologiste à l’UMR I-SEM, porteuse du projet, répond à nos questions.

Illustration du projet EPI-COV

© IRD - Marine Combe

Quels sont les enjeux de ce projet ?

Même si des connaissances ont été engrangées depuis son émergence en 2019, la compréhension de la pandémie de Covid-19 souffre encore de lacunes. Outre la possibilité d’identifier et d’isoler rapidement les personnes infectées par le virus, l’analyse des eaux usées offre un outil « sentinelle » permettant d’évaluer l’ampleur et l’évolution de l’épidémie mais aussi d’anticiper un afflux de cas dans les hôpitaux ou les centres de soins. Déjà utilisée à travers le monde pour le suivi d’autres émergences infectieuses (polio, hépatites, gastroentérites, etc.) cette approche de suivi de l’épidémie a été développée et validée par le réseau national OBEPINE et est à présent largement déployée sur l’ensemble du territoire métropolitain. Le projet EPI-COV a donc pour objectif d’adapter les protocoles développés en zones tempérées à une zone tropicale, la Guyane française, territoire français présentant des infrastructures sanitaires plus restreintes qu’en métropole et des effets frontières marqués. Le projet va donc utiliser des techniques d’ADN environnemental afin de : Suivre dans l’espace et dans le temps la présence et la concentration du virus SARS-CoV-2 dans les eaux usées; Identifier la diversité des variants du SARS-CoV-2 circulant sur le territoire Guyanais?Communes de Cayenne, Rémire-Montjoly, Matoury, Macouria, Montsinéry, Kourou, Sinnamary, Saint-Laurent du Maroni, Apatou et Saint-Georges de l’Oyapock.

Prélèvements d’eaux usées en Guyane française en octobre 2020 afin d’analyser la présence du virus SARS-CoV-2 (projet EPI-COV)

© IRD - Marine Combe

Quelle en est l’originalité ?

Il s’agit de la première étude mettant en évidence la possibilité de suivre l’évolution dans l’espace (à l’échelle du territoire Guyanais) et dans le temps (suivis mensuels sur une année) de pathogènes via l’analyse des eaux usées en Guyane. De plus, nous avons développé un réseau de collaborateurs locaux incluant des collectivités (CTG, CACL, SGDE, Office de l’eau, Mairies de différentes communes), des médecins et des laboratoires (Centres Hospitaliers de Saint-Laurent du Maroni et de Kourou, Institut Pasteur de la Guyane), mais aussi des services de santé publique (ARS, Santé Publique France), nous permettant de travailler ensemble sur le suivi de l’épidémie de la Covid-19.

Identification de zones à risque d’émergence de la maladie X de l’OMS (Covid-19) en Uganda en Afrique et à Wuhan en Chine

© Jagadesh et al. 2020

Sur quelles connaissances antérieures votre équipe s’appuie-t-elle ?

Notre équipe est présente en Guyane française depuis une dizaine d’années et associe des écologues, des microbiologistes, des généticiens, des médecins infectiologues et épidémiologistes avec qui nous travaillons à l’interface biodiversité-santé. Nous développons une approche OneHealth afin de mieux comprendre les changements environnementaux et l’action de l’Homme sur les mécanismes d’émergence de maladies infectieuses en zone tropicale, et notamment sur les conditions d’émergence et de propagation de souches/variants plus virulents. En Guyane, nous avons par exemple associé des méthodes d’ADN environnemental et des approches de biogéographie pour mettre en évidence une saisonnalité de la présence de certains pathogènes dans les écosystèmes aquatiques d’eau douce. Ces approches nous avaient notamment permis d’identifier deux régions à risque d’émergence de la maladie X de l’OMS (la Covid-19) dont Wuhan en Chine.

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Quels sont les résultats attendus ?

Un premier défi a été relevé, adapter le protocole OBEPINE au contexte Guyanais : fortes températures des eaux usées pouvant éventuellement détruire l’ARN viral, conservation de l’ARN viral pendant les trajets entre chaque site de prélèvements et le laboratoire, manque d’appareils de laboratoire automatisés, etc. Nous avons donc pu récolter chaque mois depuis octobre 2020 les eaux usées des 28 sites choisis et suivons la présence et la concentration du virus. Après avoir concentré, inactivé et isolé l’ARN viral, nous effectuons le même type d’analyses que les tests nasopharyngés (dites de RT-qPCR) permettant de cibler et de détecter le génome du SARS-CoV-2. Les résultats nous permettent de cartographier, chaque mois, la présence/absence du virus sur le territoire Guyanais, de suivre l’évolution de la charge virale, et de transmettre ces résultats aux autorités locales de santé publique.

Centre Hospitalier de Saint-Laurent du Maroni

© CHOG

En quoi votre recherche répond-elle à la science de la durabilité ?

EPI-COV répond à la science de la durabilité par son approche multidisciplinaire (études de terrain, écologie, microbiologie, virologie, génétique, sciences médicales) et par l’implication de nombreux partenaires. Ces collaborations avec des acteurs locaux ambitionnent de répondre à des problématiques majeures en santé publique - prévenir le risque d’émergences infectieuses - prenant place à des échelles globales.


Aller plus loin :

Contact science : Marine Combe, IRD, UMR I-SEM marine.combe@ird.fr
 

Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr