Singapour accueille, du 1er au 3 octobre 2018, la deuxième conférence internationale du réseau mondial contre la résistance aux insecticides ( WIN). Organisée par l’IRD et la Duke-NUS Medical School (Singapour), cette conférence sera l’occasion de discuter des stratégies innovantes et des approches intégrées pour lutter contre les moustiques vecteurs d’arboviroses résistants aux insecticides. 

Dengue, chikungunya, Zika… ces maladies virales, appelées arboviroses, sont transmises par les moustiques du genre Aedes (communément appelé moustique tigre). Elles émergent depuis plusieurs années dans toutes les régions du monde, à la faveur de l’expansion des moustiques. En l’absence de vaccin et de traitement thérapeutique, la lutte contre les moustiques par l’utilisation d’insecticides reste l’arme privilégiée. Malheureusement, l’utilisation intensive et répétée des mêmes insecticides depuis plus de 40 ans a conduit à la sélection et la diffusion des résistances à l’échelle mondiale – résistances considérées aujourd’hui par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un obstacle majeur au contrôle de ces maladies.

WIN : une approche pluridisciplinaire pour combattre les résistances

Bien que l’OMS rapporte environ 100 millions de cas de dengue chaque année et que le virus Zika soit recensé dans plus d’une trentaine de pays, en Amérique latine et dans les Caraïbes, dont certains territoires français d’outre-mer, aucune initiative mondiale ne se focalise sur la résistance de leurs vecteurs et son impact opérationnel.

Sous l’impulsion de l’IRD et du CNRS, le réseau WIN s’est constitué en mars 2016. Rejoint par l’Institut Pasteur Guyane (IPG), le réseau bénéficie d’un fort leadership français dans le domaine. Depuis sa création, le WIN a publié plusieurs articles de synthèse permettant d’identifier les lacunes et les priorités de recherche en matière de lutte antivectorielle et de gestion des résistances.

Une cartographie mondiale des résistances

Les chercheurs du réseau WIN ont établi une cartographie mondiale des résistances des moustiques du genre Aedes aux principaux insecticides utilisés dans le monde. Ces résultats, publiés dans la revue PLOS Neglected Tropical Diseases, montrent que :

  • L’Amérique et l’Asie sont les continents où les résistances des moustiques aux deux classes d’insecticides les plus utilisés (pyréthrinoïdes et organophosphates) s’avèrent les plus fortes. D’autres zones voient également émerger des résistances à ces insecticides, comme l’Afrique de l’Ouest.
  • Il est difficile d’évaluer précisément les niveaux de résistance dans le monde, du fait d’une grande diversité de méthodes de suivi. Les chercheurs plaident ainsi pour la mise en place de normes internationales standardisées, qui permettront de préciser les niveaux de résistances
  • La résistance aux insecticides est principalement due à des mutations génétiques ciblées et à des mécanismes de détoxification chez les moustiques. Toutefois, des recherches doivent se poursuivre afin d’identifier plus précisément les gènes impliqués dans ces résistances métaboliques et développer des outils de diagnostic spécifiques.

Évaluation des stratégies alternatives de contrôle des moustiques

Les chercheurs du réseau WIN ont évalué les stratégies alternatives actuellement examinées par l’OMS, qui pourraient contribuer au meilleur contrôle des populations de moustiques. Dans cette étude, prochainement publiée dans PLOS Neglected Tropical Diseases, les chercheurs ont passé en revue différentes techniques, afin de décrire leurs modes d’action, évaluer leur efficacité et pointer leurs limites :

  • Nouveaux larvicides, basés sur l’utilisation de champignons entomopathogènes et sur la technique de l’auto dissémination (le moustique s’imprègne d’insecticide et le transporte ensuite dans les gîtes au moment de la ponte).
  • Répulsifs « spatiaux » (différents des répulsifs cutanés).
  • Nouveaux pièges à moustiques.
  • Appâts sucrés toxiques.
  • Nouveaux matériaux imprégnés d’insecticides (moustiquaires, vêtements…).
  • Techniques de l’insecte stérile : par irradiation des moustiques mâles ou infection des moustiques par la bactérie Wolbachia .
  • Modifications génétiques de l’ADN du moustique, grâce aux avancées techniques de CRISPR-Cas 9 (qui permet d’insérer un gène d’infertilité ou d’inactiver le gène de fertilité).

Les chercheurs soulignent le fait que ces nouvelles stratégies présentent plusieurs avantages : elles sont plus efficaces que les outils conventionnels dans les zones de résistance aux insecticides ; elles peuvent contribuer à stopper la diffusion des résistances observées ; enfin, elles limitent l’utilisation d’insecticides dans l’environnement.

Ils rappellent toutefois l’importance de mieux évaluer ces stratégies et de les optimiser, afin de confirmer leur efficacité à grande échelle, et alertent sur la nécessité de porter une attention particulière à l’acceptabilité de ces stratégies par les populations.


Références :

Catherine L. Moyes et al. Contemporary status of insecticide resistance in the major Aedes vectors of arboviruses infecting humansPLOS Neglected Tropical Diseases , juillet 2017.

Nicole L. Achee et al. Alternative strategies for arbovirus control, PLOS Neglected Tropical Diseases , sous presse.


Contact : vincent.corbel@ird.fr 

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