SÉMINAIRE SHS

Mercredi 6 avril 2022 de 10h à 12h à l'IRD - salle 1

par Grégoire THIBOUVILLE
Psychologue clinicien & analyste de groupe,

Docteur en psychologie à l’université Sorbonne Paris Nord

UTRPP - EA 4403

© Grégoire THIBOUVILLE

Par cette thèse, nous rendons compte des investigations engagées en tant que psychologue clinicien avec la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse de la Nouvelle-Calédonie. Nous y avons rencontré des jeunes saturés de legs psychiques intransformés. Les travaux psychanalytiques sur les circulations et les transmissions psychiques inconscientes dans les familles et les groupes nous ont aidés à repérer les limites des prises en charge auxquelles nous avons été initiés au cours de notre formation. Bien entendu, nos questionnements ont été aussi orientés par les travaux relatifs aux différences culturelles, dont ceux de la Clinique de la Multiplicité donnant une nouvelle impulsion aux travaux de Georges Devereux. À l'écoute des jeunes et des moins jeunes, ces héritages psychiques sont apparus bien difficiles à révéler.

 

En effet, il semble qu'ils soient comme emboîtés par la période des conquêtes coloniales qui, en outre, a comme écrasé le passé antérieur dans la mémoire collective potentielle, dont l'histoire des peuplements successifs et pluriels de l'archipel calédonien est oubliée. Pour désembrouiller ce que nous avons cru entendre, il nous a fallu repenser à nos dispositifs. Il nous a fallu chercher quel pourrait être le dispositif le plus approprié pour rendre possible l'émergence de ces traces psychiques, leur mise en mot et leur élaboration. À cette fin, nous avons travaillé à comprendre les effets dans les psvchés des rationalisations défensives, des plus âgés aux plus jeunes, à proposde la période actuelle, le plus souvent décrite comme celle d'une décolonisation inachevée, bienspécifique à cet archipel du pacifique sud. Sans doute, nous en formulons l'hypothèse, cette période des conquêtes a alimenté la formation d'un réservoir collectif de souvenirs-écrans figeant, dans une époque, les psychés individuelles.

Ces héritages multiples et intriqués ont immobilisé aussi les configurations des espaces collectifs trans-subjectifs. Ce qui n'est pas sans rapport avec des violences agies, vécues ou subies, que l'on observe dans notre clinique quotidienne en institution, ou dont on entend le récit. Les violences qui adviennent, y compris dans l'espace clinique, sous la poussée d'une contrainte interne opèrent à l'insu des sujets, ou sont perpétrées délibérément. Le voile qui fait obstacle à l'élaboration de ces violences enferme nombre d'individus ou groupes dans un scénario de répétition sans fin de passages à l'acte.

© Grégoire THIBOUVILLE

Face aux limites de la prise en charge individuelle de sujets en déshérence psychosociale et violents, nous avons trouvé-créé un groupe de parole au sein de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse, en obtenant l'engagement du Sénat coutumier kanak. L'un des buts était de frayer avec quelques jeunes délinquants et pour eux un chemin qui les conduise dans une voie humanisante, leur procurant l'expérience et le goût d'un nouvel usage des paroles échangées avec d'autres.