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SÉMINAIRE SHS

Mardi  27 octobre 2020 de 13h30 à 15h30 à l’IRD - salle 1

par Christophe SAND

Archéologue à l’IRD, UMR GRED (Gouvernance, Risque, Environnement, Développement)

Représentation IRD Nouvelle-Calédonie

Les sociétés du Pacifique, comme toutes les sociétés du monde, se sont construites depuis des millénaires en s’enracinant à des terroirs grâce à des récits d’origines. Ces traditions mythiques et historiques étaient transmises oralement, les généalogies permettant une forme de mesure du temps, alors que des objets anciens et des lieux mémoriels servaient de support matériel aux événements passés.

Comparativement, le temps calendaire autant que l’archive écrite, bases de l’approche de l’histoire des sociétés occidentales, ne se sont imposés que récemment dans le monde océanien, dans le sillage des navigateurs européens, de la christianisation et de l’acculturation des sociétés insulaires. L’originalité et la violence du processus colonial vécu par l’archipel calédonien, entre bagne, spoliations foncières, importations de main d’œuvre et indigénat, ont durant longtemps imposé aux populations d’origines diverses un récit hagiographique de la présence française. En niant le passé Kanak ou en le renvoyant à la marge de l’humanité, tout en créant une société d’origine exogène composée de différentes castes et structurellement inégalitaire, la colonisation a créé un « pays du non-dit » durant un siècle.

Comme pour tenter de rattraper le temps perdu, le processus de décolonisation engagé au cours des trois dernières décennies a engendré une production massive de données sur l’histoire humaine de l’archipel. Cette production savante diversifiée couvre l’ensemble de la chronologie, du premier peuplement aux sociétés traditionnelles Kanak, de la période coloniale aux événements contemporains. Pourtant, des oppositions d’approches apparemment irréconciliables sur la notion même du « passé » continuent à perdurer au sein de la société calédonienne.

Partant de ce constat, cette présentation se propose d’identifier les principales approches produites autour du passé calédonien, afin d’analyser les ressorts profonds pouvant expliquer la perduration de ces différents discours sans réel lien entre eux. Car au-delà des considérations culturelles, politiques et historiques qui peuvent expliquer ces oppositions, leur persistance en ce début de 21e siècle questionne notre capacité collective à produire dans un avenir proche un récit historique unitaire, pourtant inséparable de la conceptualisation d’un « destin commun ».

Car au-delà des considérations culturelles, politiques et historiques qui peuvent expliquer ces oppositions, leur persistance en ce début de 21e siècle questionne notre capacité collective à produire dans un avenir proche un récit historique unitaire, pourtant inséparable de la conceptualisation d’un « destin commun ».

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© C. Sand

« Le début de quelle histoire? Découverte de poteries Lapita entières fabriquées il y a 3000 ans sur le site éponyme de Xapeta'a », Koné, octobre 1995