Le Conseil européen de la recherche (ERC) a annoncé le 10 janvier les résultats de l’appel Starting grants 2021, lancé dans le cadre d’Horizon Europe, le nouveau programme Recherche et Innovation de l’Union européenne. 397 chercheurs en début de carrière ont été sélectionnés parmi plus de 4 000 candidats. Ils obtiennent des subventions d’1,5 million d’euros en moyenne, pour un total de 619 millions investis dans des projets d’excellence. Deux femmes chargées de recherche à l’IRD figurent parmi les lauréats. 

Louise Brousseau, chargée de recherche au sein de l’UMR AMAP : projet DOPAMICS?Domestication and adaptation in Neotropical palms: a microevolutionary history 

Forêt la plus diversifiée de la planète, l’Amazonie est confrontée à une importante perte de biodiversité en raison du réchauffement climatique et de pressions humaines sans cesse croissantes. Cependant, l’état de la biodiversité Amazonienne et les processus évolutifs sous-jacents restent largement sous-documentés, compliquant ainsi l’anticipation des changements futurs et l'élaboration de stratégies de gestion durables.

Le projet DOPAMICS s’appuiera sur une méthodologie interdisciplinaire à la frontière entre sciences de la vie (biodiversité et évolution), sciences humaines (archéologie) et sciences computationnelles (bioinformatique, modélisation et apprentissage profond) pour retracer l’histoire microévolutive des palmiers d’Amazonie - espèces des genres Astrocaryum, Euterpe et Oenocarpus - , et découpler les effets conjoints de l’adaptation aux gradients environnementaux naturels et de la domestication ancienne. 
 

Canopée avec palmeraie à Euterpe oleracea et Mauritia flexuosa (Monts Tumuc-Humac, Guyane frontière Sud Brésil).

© IRD - Daniel Sabatier

Dans le cadre du projet, des sites précolombiens emblématiques de Guyane française ayant hébergé d’anciens villages et agrosystèmes forestiers - les "montagnes couronnées" - seront étudiés. Louise Brousseau questionnera le paradigme du syndrome de domestication, en caractérisant finement les variations de diversité génomique et fonctionnelle des populations de palmiers (propriétés métaboliques des fruits et biomécaniques des fibres) le long de gradients d’anthropisation s’étendant d’espaces forestiers naturels aux sites précolombiens.

Louise Brousseau est généticienne en écologie évolutive des populations naturelles. Elle a contribué à une meilleure compréhension de la microévolution en Amazonie, en documentant le processus original d’adaptation "microgéoraphique" (adaptation à échelle spatiale très locale) chez des espèces d’arbres. Depuis son recrutement à l’IRD en 2017, elle a choisi d’étendre son champ de recherche en intégrant la contribution des sociétés humaines à l’histoire microévolutive des plantes par le biais de la domestication. Elle s’appuie sur les récentes avancées en matière d’acquisition de données (séquençage et phénotypage à haut débit) et de calcul à haute performance pour développer des stratégies de recherche innovantes pour l'étude d’espèces non-modèles dans les systèmes naturels complexes. Depuis 2020, elle est membre élue de la Commission scientifique sectorielle "Sciences des données et des modèles" (CSS5) de l’IRD à laquelle elle apporte son expertise en biologie évolutive et bioinformatique appliquée à l’analyse de données "omiques".

Laura Ruiz de Elvira, chargée de recherche à l’UMR Ceped : projet LIVE-AR?The subsequent lives of Arab revolutionaries

Quelles sont les conséquences biographiques et sociales de l'engagement révolutionnaire lorsque le moment de révolte se transforme en une guerre civile, une "restauration autoritaire", une transition démocratique fragile, ou un retour aux "années de plomb" ? Dix ans après lesdits "printemps arabes", LIVE-AR propose une approche analytique comparative se concentrant sur les "vies ultérieures" des révolutionnaires dans quatre pays aux trajectoires contrastées : Syrie, Egypte, Tunisie et Maroc. Dans un contexte de scepticisme généralisé, le projet propose de déplacer le regard autour de quatre lignes de recherche articulant les niveaux micro et méso-sociologiques : les carrières militantes et les conséquences biographiques ; les "héritages émotionnels" ; les réseaux interpersonnels d’amitié ; les organisations révolutionnaires. 
 

Des révolutionnaires protestent pacifiquement dans les rues de Baniyas (Syrie), en mai 2011.

© DR. The Creative Memory of the Syrian Revolution.

Pour ce faire, le projet s'appuie sur une équipe pluridisciplinaire internationale et sur un partenariat actif avec des institutions universitaires et de recherche en Tunisie, au Liban et au Maroc. Sur le plan méthodologique, LIVE-AR combine les entretiens biographiques avec des calendriers de vie, une analyse des réseaux sociaux et des archives numériques, des observations ethnographiques et des ressources secondaires.

Laura Ruiz de Elvira est sociologue du politique et arabisante. Ses recherches s’orientent vers l’analyse du fait associatif et des politiques sociales dans le monde arabe (Syrie, Tunisie, Yémen). Elles s’articulent autour de trois grandes problématiques : l’action collective, l’engagement et les pratiques d’(entre)aide sociale ; la transformation des États, de l’action publique et des politiques de développement ; les reconfigurations des rapports au politique et au religieux. Laura Ruiz de Elvira est membre du comité de pilotage de l’Institut d'études de l'Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM, EHESS), membre du conseil d’administration du Cercle des chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO), membre du comité de rédaction de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée et chargée de cours à Sciences Po Aix. Depuis 2020, elle est membre élue de la Commission scientifique sectorielle "Sciences humaines et sociales" (CSS4) de l’IRD.


>Contacts : louise.brousseau@ird.fr ; laura.ruiz-de-elvira@ird.fr 

>Pour en savoir plus : communiqué de presse de l’Union européenne ; Stratégie Europe et international de l’IRD